L’obélisque de Luxor

Je veille, unique sentinelle

De ce grand palais dévasté,

Dans la solitude éternelle,

En face de l’immensité.
A l’horizon que rien ne borne,

Stérile, muet, infini,

Le désert sous le soleil morne,

Déroule son linceul jauni.
Au-dessus de la terre nue,

Le ciel, autre désert d’azur,

Où jamais ne flotte une nue,

S’étale implacablement pur.
Le Nil, dont l’eau morte s’étame

D’une pellicule de plomb,

Luit, ridé par l’hippopotame,

Sous un jour mat tombant d’aplomb ;
Et les crocodiles rapaces,

Sur le sable en feu des îlots,

Demi-cuits dans leurs carapaces,

Se pâment avec des sanglots.
Immobile sur son pied grêle,

L’ibis, le bec dans son jabot,

Déchiffre au bout de quelque stèle

Le cartouche sacré de Thot.
L’hyène rit, le chacal miaule,

Et, traçant des cercles dans l’air,

L’épervier affamé piaule,

Noire virgule du ciel clair.
Mais ces bruits de la solitude

Sont couverts par le bâillement

Des sphinx, lassés de l’attitude

Qu’ils gardent immuablement.
Produit des blancs reflets du sable

Et du soleil toujours brillant,

Nul ennui ne t’est comparable,

Spleen lumineux de l’Orient !
C’est toi qui faisais crier : Grâce !

A la satiété des rois

Tombant vaincus sur leur terrasse,

Et tu m’écrases de ton poids.
Ici jamais le vent n’essuie

Une larme à l’oeil sec des cieux.

Et le temps fatigué s’appuie

Sur les palais silencieux.
Pas un accident ne dérange

La face de l’éternité ;

L’Égypte, en ce monde où tout change,

Trône sur l’immobilité.
Pour compagnons et pour amies,

Quand l’ennui me prend par accès,

J’ai les fellahs et les momies

Contemporaines de Rhamsès ;
Je regarde un pilier qui penche,

Un vieux colosse sans profil

Et les canges à voile blanche

Montant ou descendant le Nil.
Que je voudrais comme mon frère,

Dans ce grand Paris transporté,

Auprès de lui, pour me distraire,

Sur une place être planté !
Là-bas, il voit à ses sculptures

S’arrêter un peuple vivant,

Hiératiques écritures,

Que l’idée épelle en rêvant.
Les fontaines juxtaposées

Sur la poudre de son granit

Jettent leurs brumes irisées ;

Il est vermeil, il rajeunit !
Des veines roses de Syène

Comme moi cependant il sort,

Mais je reste à ma place ancienne,

Il est vivant et je suis mort !

Évaluations et critiques :

L’obélisque de Luxor
{{ reviewsTotal }}{{ options.labels.singularReviewCountLabel }}
{{ reviewsTotal }}{{ options.labels.pluralReviewCountLabel }}
{{ options.labels.newReviewButton }}
{{ userData.canReview.message }}

Vous voulez être un poète ? Alors, commentez ce poème et dites-nous ce que vous en pensez!

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x