Le Ménétrier

Soir de juillet torride et sec.

Serrant le bois sonore au creux de son épaule,

Un joueur de rebec

S’est lentement assis et joue au pied d’un saule.
Il chante pour lui seul et ne voit pas

Qu’en ce déclin du jour se rapprochent des pas

Sous les arbres, au long des routes ;

Et qu’on se glisse derrière les troncs

Et qu’à demi cachés apparaissent des fronts

De jeunes filles qui l’écoutent.
Il sait rythmer en ses chansons

Toute la ronde des saisons,

Mais aujourd’hui, seul lui importe

De célébrer les humbles clos

Avec leur vie et leurs travaux

Et leur repos

Quand, au soir descendant, on verrouille la porte.
Il a chanté d’abord

L’aube aux mains d’or

Qui passe en frissonnant sur la cime des hêtres

Et qui s’en vient, pour réveiller

Les fronts pesants sur l’oreiller,

Frapper chaque matin à la même fenêtre.
Il a chanté encor

Le bûcheron alerte et fort

Qui s’enfonce sous bois pour reprendre sa tâche

Et dont reluit soudain dans les massifs vermeils,

En plein soleil,

La hache.
Il a chanté d’un gosier ferme et plein

La charrue entaillant les glaises violettes,

L’homme aux bras durs qui bêche et qui halète

Et sa femme à genoux qui bine un champ de lin ;
Il a chanté, et maintenant il chante

La sieste de midi sous les branches pesantes ;

L’horizon par les vents doucement secoué ;

Les longs troupeaux en marche à travers route et plaine

Dont les dos inégaux et mouvants sous la laine

Apparaissent au loin comme un champ remué ;

Son rythme vit et fait trembler les vieux villages

Du quadruple galop d’un volant attelage ;

Avec son mince archet mordant son rebec faux,

Il imite le bruit court et sifflant des faux

Ou le cri du grillon sous la fine poussière.

Il chante le beau gars, debout dans la lumière,

Qui s’étanche le front du revers de sa main.

Il indique le geste ondoyant d’un chemin

Qui s’incurve et s’éploie et contourne la haie.

Un bruissement s’entend sous la grande futaie

Et voici qu’à leur tour les bêtes au poil roux

Sortent de l’ombre et se hasardent

Et se glissent et s’approchent et, tout à coup,

Avec des yeux fixes et doux,

L’environnent et le regardent.
Le chant s’est arrêté et l’archet suspendu

Ne semble plus glisser que sur un rai de lune.

Les étoiles, là-haut, scintillent une à une ;

Un tel silence autour des bois s’est répandu

Qu’on croirait qu’il s’étend jusqu’au bout de la terre.
Doucement, lentement, le vieux ménétrier

Se lève et puis s’en va par le prochain sentier

Et puis s’efface et disparaît dans le mystère

Autoritaire.

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Le Ménétrier
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