Les genêts

Ce frais matin tout à fait sobre

De vent froid, de nuage errant,

Est le sourire le plus franc

De ce mélancolique octobre.
Lumineusement, l’herbe fume

Vers la cime des châtaigniers

Qui se pâment – désenfrognés

Par le soleil qui les rallume.
Les collines de la bruyère,

Claires, se montrent de plus près

Leurs dégringolantes forêts

Semblant descendre à la rivière.
Celle-ci bombe, se balance

Et huileusement fait son bruit

Qui s’en va, revient, se renfuit,

Comme un bercement du silence.
Le vert-noir de l’eau se confronte

Avec le bleu lacté du ciel

A travers la douceur de miel

D’un air pur où le parfum monte :
Un arome sensible à peine,

Celui de la plante qui meurt

Exhalant sa vie et son coeur

En soufflant sa dernière haleine.
Or, dans ces fonde où l’on commence

A voir, des buissons aux rochers,

Des fils de la Vierge accrochés,

Rêve un clos de genêts immense.
Ils épandent là, – si touffue,

En si compacte quantité !

- Leur couleur évoquant l’été,

Qu’ils cachent le sol à la vue.
Ils ont tout couvert – fougeraies,

Ronce, ajonc, l’herbe, le chiendent.

Sans un vide, ils vont s’étendant

Des quatre cotés jusqu’aux haies.
A-t-il fallu qu’elle soit grande

La solitude de ce val,

Pour que ce petit végétal

Ait englouti toute une brande !
Promenoir gênant, mais bon gîte,

Abri sûr, labyrinthe épais

Du vieux reptile aimant la paix

Et du lièvre qu’une ombre agite !
Leur masse est encore imprégnée

Des pleurs de l’aube : ces balais

Montrent des petits carrelets

En fine toile d’araignée.
Parmi ces teintes déjà rousses

Du grand feuillage décrépit

Ils sont d’un beau vert, en dépit

Du noir desséché de leurs gousses.
Leur verdoiement est le contraire

De celui du triste cyprès :

Il n’évoque pour les regrets

Aucune image funéraire ;
Et pourtant, que jaune-immortelle

Leur floraison éclate ! Alors,

Tout bas, ils parleront des morts

Aux yeux du souvenir fidèle.
Ayant picoté les aumônes

Du bon hasard, dans les guérets,

Les pinsons, les chardonnerets

S’y mêlent rougeâtres et jaunes ;
Et souvent, aux plus hautes pointes,

Dans un nimbe de papillons,

On voit ces menus oisillons

Perchés roides, les pattes jointes.
Mais le soleil qui se rapproche

Perd sa tiédeur et son éclat.

Déjà, tel arbre apparaît plat

Sur le recul de telle roche ;
Toute leur surface embrumée

De marécageuse vapeur,

Les genêts dorment la stupeur

De leur extase inanimée.
Monstrueux de hauteur, de nombre,

Dans ce paysage de roc,

Ils sont là figés, tout d’un bloc,

D’air plus monotone et plus sombre.
En leur vague entour léthargique

Ils prennent, sous l’azur dormant,

Un mystère d’enchantement,

Une solennité magique.
Voici qu’avec le jour plus pâle

A droite, à gauche, on ne sait où,

Sur les bords, au milieu, partout,

On entend le chant bref du râle :
Et c’est d’une horreur infinie

Ce cri qui souterrainement

Contrefait le respirement

D’un être humain à l’agonie !
Puis le ciel baisse à l’improviste,

Devient noir, presque ténébreux.

Les genêts s’éteignent. – Sur eux

La pluie avorte froide et triste.
Et le vent gémissant lugubre,

Au soir mauvais d’un jour si beau,

Emporte dans l’air et sur l’eau

Leur odeur amère et salubre.

Évaluations et critiques :

Les genêts
{{ reviewsTotal }}{{ options.labels.singularReviewCountLabel }}
{{ reviewsTotal }}{{ options.labels.pluralReviewCountLabel }}
{{ options.labels.newReviewButton }}
{{ userData.canReview.message }}

Vous voulez rejoindre la communauté des poètes? Laissez-nous savoir ce que vous pensez de ce poème!

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x