La Blessée

A ma mère.
La blessée est contre un coussin

Trempé du sang de la blessure

Qu’elle porte au-dessous du sein.

Qu’elle est blanche! Le médecin

N’a pas un seul mot qui rassure.

Ceux qui l’aiment, disent: «Ce soir,

Sera-t-elle vivante ou morte?»

Les pauvres dont elle est l’espoir

Regardent au trou de la porte.
Ô France, ainsi tes jours joyeux

Avaient fui dans la nuit profonde.

Ainsi nous avons cru tes yeux

A jamais fermés pour le monde.
La blessée est sauvée et dort

Dans son lit blanc, tout amaigrie.

Elle a frôlé de près la mort;

On lui défend de parler fort,

On craint même qu’elle ne rie.

Mais dehors un vent attiédi

Verdit déjà les noires cimes.

Comme elle s’ennuie, à midi,

Des tisanes et des régimes!
Ô France, ainsi tes jours joyeux

Avaient fui dans la nuit profonde;

Mais l’aube renaît et tes yeux

Se sont entr’ouverts sur le monde.
La blessée enfin ce matin

A trompé sa garde-malade.

Elle part d’un pas incertain.

Elle a voulu sentir le thym

Dans ce sentier qu’elle escalade.

Ses bras ne sont plus si fluets.

Elle est plus forte. « Oh! la prairie! »

Elle cueille et met des bleuets

Dans ses cheveux. Elle est guérie!
Ô France, ainsi tes jours joyeux

Avaient fui dans la nuit profonde.

Mais, voici le soleil! Tes yeux

Restent grands ouverts sur le monde.

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La Blessée
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