09 – Wieland écoute et entend

L’ombre, avant l’heure, se glisse

Sous les solives saures et basses,

Sur l’établi large et lisse,

Sur les mains qui s’y posent lasses ;

Il semble que le jour finisse.

Alors qu’au dehors

D’autres vont partir pour la chasse…
Comme l’Alvitte dort!

Que ne s’éveille-t-elle ?

Pourquoi dort-elle encor ?

Sans doute, elle se disait très lasse ;

Wieland écoute son sommeil…
Il écoute : le vent passe ; il écoute

Le vent passe et pleure et se plaint

Comme un cor

Qui sanglote et s’éteint

Tout au loin,

Ou si près!

Une flèche qui siffle à l’oreille…
L’Alvitte sommeille :

Par delà le rideau de la couche,

Il guette un son léger ;

N’est-ce le souffle de sa bouche

Harmonieux, égal et parfumé ?

Il écoute, il doute…
Soudain!

Éclate la voix de Slafîde au dehors,

Mêlée en un cri au vent du Nord :
« Wieland es-tu là ? »

« – Que t’importe? laisse et passe! »

Pense Wieland, en un souffle, énervé;

Car ses frères qu’il évite

Sont jaloux de l’Alvitte

Et se rient de son oeuvre rêvé.
Mais Égile crie plus fort :

« Que te disais-je, Wieland ?

Elles nous quittent !

Elles se sont envolées ;

La saison nous les devait voler :

Le vent les apporta et le vent les emporte!

Il fait froid. »
Et il frappe à la porte :

« Vas-tu laisser ta lime ? N’est-elle encore usée ?

Et rallumer ta forge devant l’enclume claire ?

Nous nous y chauffions, tous trois, comme des rois,

L’autre hiver ;

Ouvre, Wieland, aux frères! »

« – Passe au large! » souffle-t-il à voix basse.

« – Il est fou !»
Mais Wieland en est pâle :

Leur chanson aux mots lourds

Sonne au seuil comme un deuil :

« C’est fini la saison des amours ! »

D’un grand geste fébrile

IL écarte le rideau de feutre…

L’Alvitte n’est pas là !… que sait-il ?

Il écoute :

« Viens, Wieland, chante encore avec nous

Le vieux refrain d’automne ;

Tu l’as chanté l’antan ; es-tu sourd ?

C’est fini la saison des amours… »

Wieland serre sur son coeur le manteau de sa peine;

11 est lourd!

« Wieland ! on entend ton haleine;

Vas-tu parler enfin ? réponds-nous

Es-tu fou ? »

« – Il est mort! »

Mais Wieland, de voix forte :

« Passe au large! elle dort »

Il est pâle comme un mort,

Son âme est comme une morte…
« Bien du bonheur tous deux!

Car l’Oline est partie sans adieux,

Et Lodrune est partie sans rien dire ;

Nous n’aurions rien trouvé de mieux ;

Elles auraient pu faire pire ;

Nous nous sentons si légers, tous deux ;

Il semble qu’elles nous aient laissé

Leurs ailes !»

Il riait.

« Vas-tu laisser ta belle ?

Viens chanter avec nous :

C’est fini la saison des baisers…

Il va neiger, Wieland,

On se sent si léger. »
« – En chasse! » crie Slafide. « Il est fou!

Laissons-les. »

« – Au moins, forge-nous de l’acier;
Laisse l’or, prends du fer :

C’est fini la saison de ne rien faire!… »
Et leur voix s’envola dans le vent

Qui s’en vient des glaciers.

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