Béguinage flamand

I
Au loin, le Béguinage avec ses clochers noirs,

Avec son rouge enclos, ses toits d’ardoises bleues

Reflétant tout le ciel comme de grands miroirs,

S’étend dans la verdure et la paix des banlieues.
Les pignons dentelés étagent leurs gradins

Par où monte le Rêve aux lointains qui brunissent,

Et des branches parfois, sur le mur des jardins,

Ont le geste très doux des prêtres qui bénissent.
En fines lettres d’or, chaque nom des couvents

Sur les portes s’enroule autour des banderoles,

Noms charmants chuchotés par la lèvre des vents :

La maison de l’Amour, la maison des Corolles.
Les fenêtres surtout sont comme des autels

Où fleurissent toujours des géraniums roses,

Qui mettent, combinant leurs couleurs de pastels,

Comme un rêve de fleurs dans les fenêtres closes.
Fenêtres des couvents ! attirantes le soir

Avec leurs rideaux blancs, voiles de mariées

Qu’on voudrait soulever dans un bruit d’encensoir

Pour goûter vos baisers, lèvres appariées !
Mais ces femmes sont là, le cœur pacifié,

La chair morte, cousant dans l’exil de leurs chambres ;

Elles n’aiment que toi, pâle Crucifié,

Et regardent le ciel par les trous de tes membres !
Oh ! silence heureux de l’ouvroir aux grands murs,

Où l’on entend à peine un bruit de banc qui bouge,

Tandis qu’elles sont là, suivant, de leurs yeux purs,

Le sable en ruisseaux blonds sur le pavement rouge.
Oh ! le bonheur muet des vierges s’assemblant !

Et comme si leurs mains étaient de candeur telle

Qu’elles ne peuvent plus manier que du blanc,

Elle brodent du linge ou font de la dentelle.
C’est un charme imprévu de leur dire « ma sœur »

Et de voir la pâleur de leur teint diaphane

Avec un pointillé de taches de rousseur

Comme un camélia d’un blanc mat qui se fane.
Rien d’impur n’a flétri leurs flancs immaculés,

Car la source de vie est enfermée en elles

Comme un vin rare et doux dans des vases scellés

Qui veulent, pour s’ouvrir, des lèvres éternelles !
II
Cependant, quand le soir douloureux est défunt,

La cloche lentement les appelle à complies

Comme si leur prière était le seul parfum

Qui pût consoler Dieu dans ses mélancolies !
Tout est doux, tout est calme au milieu de l’enclos ;

Aux offices du soir la cloche les exhorte,

Et chacune s’y rend, mains jointes, les yeux clos,

Avec des glissements de cygne dans l’eau morte.
Elles mettent un voile à longs plis ; le secret

De leur âme s’épanche à la lueur des cierges

Et quand passe un vieux prêtre en étole, on croirait

Voir le Seigneur marcher dans un jardin de Vierges !
III
Et l’élan de l’extase est si contagieux,

Et le cœur, à prier, si bien se tranquillise,

Que plus d’une, pendant les soirs religieux,

L’été répète encore les Ave de l’église.
Debout à sa fenêtre ouverte au vent joyeux

Plus d’une, sans ôter sa cornette et ses voiles,

Bien avant dans la nuit, égrène avec ses yeux

Le rosaire aux grains d’or des priantes étoiles.

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Béguinage flamand
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