Il fait bon sur la mer dans ma cabine blanche,
Dans la chambre où je sens la fraîcheur sous mes doigts
Du beau sextant de cuivre et des livres à tranche
D'or mordoré par les temps morts et par le froid.
Fraîcheur des doigts reprise à des nuits d'insomnies,
Au froid salé des quarts d'hiver sur l'Océan,
Au grand froid mort des nuits de guerre et d'agonies,
Aux froids de l'aube éteints par les soleils levants ;
La mer ne connaît pas ces âges de nature
Qui changent les forêts vivaces d'autrefois
En bosquets pour jardin, en prés pour la pâture,
En squares bien corrects pour les chevaux de bois.
C'est le même horizon qu'ont vu tous les pirates
Des bâtiments de teck aux maîtres flagellant
Les matelots fiévreux couchés nus sur des nattes.
Nous brisons la même eau que brisa
Magellan.
L'eau est la même et c'est toujours le vent qui siffle,
La vague fine qui déferle et s'engourdit,
Le roulis effrayant qui martèle et qui gifle,
Un plat-bord où l'embrun vibre et s'appesantit.
La mer n'a pas connu l'anxiété de l'art,
La tiédeur des parfums, la gloire triomphale,
Les nuits d'amour et l'heure tendre du hasard
Ni le goût captivant de la terre natale.
Elle ignore le temporaire et l'obsédant,
Elle ignore les chants des bois, les voix amies,
Elle ignore la femme et les chagrins d'enfant
Mais elle sait qu'il est des maux que l'on oublie.
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