Comme des clous, les gros pavés

Fixent au sol les routes claires :

Lignes et courbes de lumière

Qui décorent et divisent les terres

En ce pays de bois et de champs emblavés.
Les plus vieilles se souviennent du temps de Rome,

Quand s’en venaient les Dieux

Rôder dans les vergers des hommes

D’autres ont aperçu la fée au manteau bleu

Qui se glissait entre les saules

Avec un ver luisant fixé sur son épaule ;

Quelques-unes se complaisent aux longs détours,

Pour visiter les croix qu’on dresse aux carrefours

Ou les vierges qu’on fête en des niches de pierre ;

Et les voici, celles qui ont senti la guerre

Et sa bondissante colère

Passer.
Pendant l’hiver morne et tassé

Autour des âtres,

Les grand’routes grisâtres

Semblent languir au loin, sous un ciel lourd et bas.

Mais dès que les beaux jours les réchauffent là-bas,

Toutes partent ensemble et s’adjugent la vie.

Leurs grands gestes à travers champs convient

Au travail vaste et clair

Hommes, chevaux, herses, charrettes

Et les gamins et les fillettes

Qui s’arrêtent parfois pour écouter dans l’air

Le chant flûté et saccadé d’une alouette.
Alors

Les grand’routes, dès le matin, s’en vont d’accord

Sous les rameaux et les ombrages

Vers les prés et les eaux, les bourgs et les villages ;

Et sans fatigue et sans repos

Elles longent le mur ou le fossé des clos ;

Elles se haussent et s’inclinent

Selon la courbe lente ou brusque des collines ;

Elles tardent soudain à s’en aller plus loin

Quand embaume le trèfle ou que fleure le foin ;

Parfois l’ombre grande des nues

Flotte seule à midi sur leur surface nue ;

On les voit traverser les clairs arpents du blé

Où s’activent les bras d’un travail rassemblé ;

L’une s’éloigne à droite et puis sinue à gauche

Vers un fermier qui bine ou vers un gars qui fauche ;

L’autre descend, très humblement, tracer un rond

Autour de la cabane où vit un bûcheron

Les plus hautes et les plus larges

Transportent sur leur dos de si compactes charges

Qu’à les voir s’en aller, par les couchants vermeils,

Avec leurs charrois pleins et leurs lourds attelages,

On croirait que les toits inégaux d’un village

Sont en marche vers le soleil.
Ainsi les routes grandes ou petites

Visitent

De l’aube au soir, durant l’été,

Et la ferme vivante et le clos déserté.

Leur voisinage est doux à ceux qui, sur leur porte,

S’assoient le soir en se parlant des choses mortes.

Elles savent quel est le pas

Qui tous les jours, à telle heure, s’en va

Du bourg d’en haut au bourg d’en bas ;

Elles mènent au cimetière ou à l’église,

Elles mènent encor jusques au bois

Où quelque gars violent et sournois

Guette la fille qu’il courtise ;

Elles connaissent tout : bonheur, tristesse ou deuil

Que resserrent les murs et dérobent les seuils

Si bien que c’est et la joie et la peine

Qu’elles charrient de plaine en plaine

Avec l’entêtement de la vaillance humaine.

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Les Routes
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