À mon petit-fils

Toi que la vie à peine effleure de son aile:

Toi qui de l’innocence, au fond de ta prunelle,

Gardes encor l’éclat vermeil ;

Enfant! toi dont les jours sont pleins de douces choses,

Et qui ne vois, la nuit, que des chimères roses

Qui se penchent sur ton sommeil!

Toi qui goûtes encor les tendresses sans nombre

De celle devant qui s’effacent comme une ombre

Toutes nos amitiés d’un jour!

Qui de purs dévoûments n’est jamais assouvie:

Qui nous donne son âme, et qui nous fait la vie

Douce comme un baiser d’amour!

Toi qui sais les effets sans deviner les causes,

Et qui souris de voir nos figures moroses

S’épanouir à tes ébats;

Toi dont le coeur est comme une onde transparente,

Et dont la foi naïve est encore ignorante

Des tristes choses d’ici-bas!

Écoute! il est un temps dans l’existence humaine,

Où, sous le lourd fardeau que l’âge nous amène,

Le front se penche soucieux;

Où le coeur se flétrit, où l’âme desséchée,

Comme une pauvre fleur à sa tige arrachée,

S’effeuille à tous les vents des cieux!

Un temps où les soucis, de leurs ongles arides,

Sur nos traits fatigués ont buriné leurs rides

Au milieu d’étranges pâleurs;

Ou l’homme mûr, qui sent venir sa fin prochaine,

Traîne derrière lui comme une immense chaîne

Dont les anneaux sont des douleurs!
Une époque où souvent, gémissante et blessée,

Après avoir du ciel où planait sa pensée

Vu fuir les blanches visions,

L’âme humaine, égarée aux détours de la route,

S’achemine à tâtons dans les sentiers du doute,

Veuve de ses illusions!
Tu ne sais pas encor par quel triste mystère

On rencontre, parmi les puissants de la terre,

Tant de fronts sombres et rêveurs…

Crois-moi, même ceux-là sont peu dignes d’envie,

Car les fruits les plus beaux de l’arbre de la vie

Ont souvent d’amères saveurs!
Ah! si l’ange qui tient le fil des destinées,

A jamais suspendant le cours de tes années,

Pouvait, d’un arrêt souverain,

Éterniser un jour sous ta paupière humide

Le rayon saint et pur que ton âme candide

Fait luire dans ton oeil serein!

Si tu pouvais garder ton enfance suave!…

Mais tu vieillis aussi; ton front devient plus grave;

Bientôt ta raison va s’ouvrir

Aux secrets d’ici-bas qu’il nous faut tous connaître

Tôt ou tard, ô mon ange! – et ce sera peut-être

Demain à ton tour de souffrir!
Mais non! de miel doré ta coupe est pleine encore :

Souris à l’avenir; ta radieuse aurore

Brille d’un éclat triomphant!

Mais aux déceptions que ton coeur s’accoutume!

Et qu’il arrive tard le jour plein d’amertume

Où tu regretteras de n’être plus enfant!

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