I
Péché ! Tentation du soir ! Chairs profanées,

Lampe éteinte où ne brûle aucun reste de feu

Lèvres ne sachant plus les douceurs de l’aveu,

Et s’effeuillant pour tous comme des fleurs fanées.
Chambres de volupté, rouge et flambant décor

Dont les miroirs profonds redisent la féerie,

Alcôves où la chair lamentable et fleurie

Offre son plaisir rose et nu sur des fonds d’or.
Ô baume du péché ! courtisanes menteuses,

Muses des soirs mauvais, versant des élixirs

Qui sont des entremetteurs d’amour et de désirs

Et du champagne blond aux mousses chuchoteuses.
Douceur des seins s’offrant comme un coussin moelleux

Où reposer sa tête endolorie et pâle

Quand l’ivresse, à travers les vins couleur d’opale,

Fait surgir des lits d’or sous de grands rideaux bleux.
Et vers ces lits profonds, baignés d’odeur légère,

On marche, halluciné par des fantômes nus,

Et l’on va demandé, dans des bras inconnus,

La minute d’oubli d’une mort passagère !
Oh ! dormir ! oublier tout ce qui peut mentir !

Les lèvres et les yeux, amante ou fiancée !

Etouffer les coups d’ailes aux murs de sa pensée

Et clamer peu à peu la douleur de sentir.
C’est comme qui dirait une agonie heureuse !

On divague, on s’endort dans un énervement

Et les choses au loin flottent confusément

Dans l’aube du sommeil fragile et vaporeuse !
Et vaincu, tout un soir dans l’ombre, sans flambeau,

On enlace une chair que le spasme importune,

Triste comme les morts caressant sous la lune

L’ange de marbre blanc couché sur leur tombeau !
II
Mais quel retour navré dans le matin vermeil

Avec le grand dégoût d’une nuit de débauche,

Quand, parmi les rumeurs du plein jour qui s’ébauche,

L’âme aussi s’ensanglante aux flèches du soleil !
On va comme un voleur qui s’esquive et se sauve

Ne regardant personne et longeant les murs gris ;

On sent encor sur soi de la poudre de riz,

Et le reste obsédant des senteurs de l’alcôve.
Il semble que l’on épande un odeur de péchés !

Et dans le brouillard pâle où meurent les lanternes,

Les passants matineux plaquent des ombres ternes

Comme des remords noirs au cœur des débauchés.
Et dans l’éloignement, sous les lueurs accrues

Qui percent peu à peu l’horizon morne et lourd,

Les premiers omnibus avec un fracas sourd

Passent en cahotant le silence des rues.
Et machinalement, par un instinct secret,

On va vers les maisons des cruelles amantes

Dont les volets fermés ont des douceurs calmantes

Et la honte n’est plus qu’un douloureux regret.
On leur fait, sans les voir, des gestes de reproches

Avec l’espoir prochain d’un amour partagé

Tandis que tout là-bas, dans le ciel affligé,

S’adoucit par degrés la tristesse des cloches !

Évaluations et critiques :

Péché
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