Saintes femmes

Quelle étoile nous vit donc naître, nous qui sommes

Les voleuses de vos coeurs charmants, Enfants-rois ?

C’est nous qui vous faisons la cour, ô jeunes hommes,

Et vos légèretés nous sont d’atroces croix.
En nous rien des yeux verts de l’amante fatale

Par sa jupe épandue en mare de sang noir.

Rien des beautés faisant que le désir détale

Devant leurs coeurs repus de vaches au dormoir.
Mais nous nous déclarons d’avance les sujettes

De votre règne aimable ou non, sans nul souci

Que celui d’approcher vos mains ; sommes-nous bêtes

De vous bercer, de vous enorgueillir ainsi !
Pour atteindre aux baisers graves de votre bouche,

Il nous plaît de braver, dans votre embrassement,

Jusques à toi, Baiser déchirant, et toi couche

Où le sang violé s’éperle obscurément.
Mais quand nous vous tenons, Coeurs trop pleins de silences,

Nous ne savons, pleurant à vos torts expiés,

Que faire du tissu de vos obédiences

Un tapis pour la plante exquise de nos pieds.
Aussi trop tôt, mon Dieu ! redoutant quelque fraude,

Comme un chien, autour des pacages timorés,

Notre âme tristement s’en va tourner et rôde

A la porte par où vous nous êtes entrés.
Bien qu’offrant à vos nuits ce qu’il faut à ces luttes

Où s’exerce le coeur irritable, âcreté

Des Baisers, et soupirs rieurs comme des flûtes,

Et ventre glorieux de sa stérilité,
Nous vous perdons, malgré nos deux mains maternelles,

Mais vous n’emportez pas, pour vos futurs exils,

L’orgueil d’avoir éteint nos fécondes prunelles

Et bu notre âme humide aux pointes de nos cils.
Donc, homme, errant de créature en créature,

Tu viens et tu t’en vas, sans comprendre beaucoup

Tout ce que nous mettons de céleste imposture

A te sourire avec deux longs bras à ton cou.
Du reste nous savons l’oubli des Récompenses

Et que l’Amour au fond n’est qu’un divin Ennui.

Puis notre coeur est plus plein que tu ne le penses,

Car une fois au point dans la première nuit,
Lorsque, le sang fouetté d’une crainte immortelle,

Les yeux injectés d’or dans un coucher de feu,

Nos doigts laissent fuir nos pantalons de dentelle,

Votre sourire est plein d’infinis, il est Dieu.
Après tout, nous ferons des morts saintes, cilice

Sous l’épaule, allongeant nos deux mains sur le drap,

Quand nous avalerons l’hostie avec délice,

Notre amour pour un Autre alors s’élargira ;
Car nous croyons à tes beautés spirituelles,

Ô Jésus, et que seul tu donnes sans rancoeurs

Le dernier mot des sens aux Immatérielles,

Toi l’Eternel, toi le plus riche Amant des Coeurs !

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