Personne n’a connu ta tombe, ô Du Calvet !

Quand la mort te frappa, personne à ton chevet,

Ni sur ton front penché, ni sur ta lèvre blême,

N’a recueilli le mot du terrible problème

Qui planera toujours sur tes derniers instants !
C’est à ton héroïsme, à tes efforts constants,

C’est à ton dévoûment, le plus pur, le plus ample

Dont ces temps malheureux nous aient légué l’exemple,

Que tu dois cette fin mystérieuse ; et nous

Le devoir filial de bénir à genoux

Le premier champion de nos luttes civiques.
L’Histoire avait fermé ses registres épiques ;

Le soleil de la France à nos yeux s’éclipsait ;

Des guerres la rougeur sanglante s’effaçait ;

L’orage dans la nue enrayait son tonnerre ;

Mais, après les grands coups d’estoc, c’était une ère

De combats plus obscurs, qui, pour les oubliés,

Dans l’ombre préparait ses traits multipliés.
Un petit peuple encore à sa première enfance !

Quelques déshérités, désarmés, sans défense !

Nul danger du dehors, rien à craindre au dedans :

La persécution pouvait montrer les dents.

Elle montra ses crocs et toutes ses molaires.
Héritière en sous-main des anciennes colères,

Elle voulut, habile aux ruses de Satan,

Donner une revanche aux défaites d’antan,

Et, justice empruntée au code des vipères,

Se venger sur les fils du courage des pères !
Alors on vit, devant le spectre au front hideux,

Un homme se lever et crier :
― À nous deux ! C’était toi, Du Calvet, qui, méprisant la rage

Du despote, osait seul tenir tête à l’orage,

Et brandir, au-dessus de tous ces fronts étroits,

À ton bras indigné la charte de nos droits.
Ta sentence de mort ce jour-là fut écrite !
En butte désormais à la haine hypocrite

De tous nos Haldimands, forbans grands ou petits

Dont son honnêteté gênait les appétits,

L’homme dut, poursuivi par leur froide malice,

De toutes les douleurs épuiser le calice.

Un tyran que l’histoire a marqué au fer chaud

Lui confisque ses biens et le met au cachot.

Et, pendant qu’il languit sous les verrous du sbire,

Troupeau fanatisé que la vengeance inspire,

Autour de sa maison, à coups de pistolets,

Les doux représentants du doux régime anglais,

Trouvant que leur victime était trop peu punie,

D’une épouse mourante ont hâté l’agonie !
Libre enfin, le héros qu’aucun malheur n’abat

Ne songe qu’à s’armer pour un nouveau combat.

Vaincu dans une lutte, il en provoque une autre,

Et porte auprès du roi sa cause et la nôtre.
On l’écoute, on s’émeut ; ― le barbare Haldimand

Par ses pairs est mandé devant le parlement.

L’accusateur triomphe, et, refoulant ses larmes,

Retraverse les mers pour mieux fourbir ses armes.

Son fils est près de lui sur le pont du vaisseau.
Hélas ! le vieux lion avec le lionceau,

Victimes d’un hasard qui confond la pensée,

Disparaissaient tous deux pendant la traversée.
Ce qu’ils sont devenus nul ne l’a su jamais.
Nous n’avons pas le droit d’en rien conclure, mais

Ton peuple, Du Calvet, te proclame sans crainte

Le premier des martyrs de notre cause sainte ;

Et si l’âpre océan connaît seul ton tombeau,

Dans nos fastes ton nom n’en luira que plus beau !

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Du Calvet
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