L’autre nuit, dans la clarté blonde,

Je vis au bal de l’Opéra

Un jeune homme du meilleur monde.

Son oeil terne m’exaspéra.
Son habit, qu’en vain je m’excite

A glorifier sans remords,

Était noir comme le Cocyte

Qui roule son flot chez les morts.
Il obéissait à la règle

Et son prodigieux faux-col

Semblait vers les cieux, comme un aigle

Démesuré, prendre son vol.
Il était correct et puriste,

Uni comme le fond d’un val.

Cependant je lui dis: Quel triste

Costume, pour le carnaval!
Le bonheur est avec les masques

Et les Arlequins onduleux

Venus des pays bergamasques.

Ils sont jaunes, rouges et bleus.
Il est bon de montrer son râble

Comme troubadour abricot,

Et c’est un plaisir adorable

D’être un Pierrot de calicot.
C’est une chose excitatrice

De prendre un veston vermillon

Pour se travestir en Jocrisse

Agrémenté d’un papillon.
Comme aux époques disparues,

Pour stupéfier les badauds,

Il est bon d’être un Turc des rues

Avec un soleil dans le dos.
Dans son allégresse éternelle

Que, soûlé par des vins troublants,

Quelque divin Polichinelle

Déshonore ses cheveux blancs!
En de fabuleux amalgames,

Brûlés d’impudiques ardeurs,

On aime à voir, hommes et femmes,

Tourbillonner les débardeurs,
Et la fantaisie est complice

Pour qu’une Javotte aux seins lourds

De ses robustes flancs emplisse

Une culotte de velours.
Venu des lointaines bourgades

Comme un printemps en floraison,

Amour emporte ces brigades.

Brigadier, vous avez raison!
A bas la sagesse vieillotte.

Puisque heureusement la chair est

Faible, quand le bal papillote

Comme une affiche de Chéret!
Tel, raisonnable guitariste

Savant comme un procès-verbal,

Je parlais au jeune homme triste

Qui se promenait dans le bal.
Et je lui disais: Mince comme

Un caillou par l’onde aiguisé,

Réponds-moi, tranquille jeune homme.

Pourquoi n’es-tu pas déguisé?
Et lui, rajustant son monocle,

Me dit: Poëte qui me suis,

Je suis droit comme sur un socle.

Mais pour déguisé, je le suis.
En quoi? demande à Cidalise

Que charme ce jeu puéril:

En jeune homme qui s’analyse,

Et se regarde le nombril.
4 mars 1890.

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Carnaval
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