De ce temps si vite passé
Rien n’est resté à la patience.
Je n’eus pas le temps d’y penser
Ni de faire un traité d’alliance
J’ai tout pris et tout dépensé.
Chaque plaisir, chaque malaise
Trouvaient les mots qui font pâlir.
Rimes du cœur sous les mélèzes,
La forêt comprend le désir
Et pleurait pour que mieux je plaise.
J’ai pris le rire en sa saison
Quand il venait en avalanche.
Quand parfumés de déraison
S’ouvraient les jasmins à peau blanche
J’acceptais la comparaison.
Il faisait bon si j’étais bonne
Meilleur si je faisais semblant.
Les vœux qu’on ne dit à personne
Éveillés par le cri des paons
Chantaient au remords qui fredonne.
La neige tombe, ohé ! traîneau
Je vais partir en promenade.
La neige anoblit mon manteau
Je suis la reine des nomades
Dans mon lit à quatre chevaux.
Je suis la reine sans coutumes
Qui connaît tous les jeux anciens.
La parole était mon costume
Et la lune mon petit chien
Jaloux d’un astre qui s’allume.
Une larme au bord de mes cils
Je dois poursuivre mon voyage.
Beau château restez de profil,
Pour rebroder vos personnages
Je prends mon aiguille et mon fil.
Le bonheur est un invalide
Qui passe en boitant comme moi.
Il n’a pas l’épaule solide
Mais je sais ce que je lui dois :
Mon cœur est plein, j’ai les mains vides.
1945
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