La reine des neiges

A Mlle Renée de Riny.
Je garde la mémoire fidèle

Des vieux contes, contés

Par les bonasses vieilles

Si bonasses et vieilles.

Elle me semblaient avoir au moins mille ans

Car l’oeil d’un enfant s’effare devant

Les rides.
* *
Dans un Pays, très loin – très loin,

La Reine des Neiges en robe de givre

Couronnée d’étoiles Polaires,

Habite un vaste et froid Palais

Aux murailles de glace

Que la Lumière Boréale

Orne de sanglantes panoplies.

Le Trône est tout de clairs joyaux:

Frêles colonnettes de stalactites

Et puissantes assises

De cristal frigide.

Et la Reine aux lents gestes pacifiants

Commande aux Vents Hyperboréens

Qui s’en vont porter le blanc trésor

Des bonnes Neiges

A toute la terre transie

Le blanc et doux trésor

Des douces neiges

Pour qu’elles couvrent les champs engourdis

Et fassent sur les routes désolées

Des tapis propices

Aux pas des errants.

Elle envoie le voile éblouissant

Des chastes Neiges

A la frissonnante nudité des branches

D’arbres, orgueilleux naguère

De leurs robes vertes;

Et le trésor des immarcessibles Neiges

Aux chaumières grises

Qui par sa grâce deviennent

Vêtues de splendeur.

Elle envoie le don munificent

Des Nuptiales Neiges,

Qui se font miraculeux décor

Dans les campagnes silencieuses,

Où la Fée de la Nuit mène sous la lune

Le cortège des amoureuses Fêtes -

Parmi les prés devenus pareils

A des océans de blancheurs

Diamantés d’étoiles. -

Et, sur les champs, les bois et les villes,

Du haut du pâle ciel,

C’est Elle qui ordonne

Aux légères Neiges

De tomber: plumes d’oiseaux blancs

Et faire des lits au long Sommeil sans rêves

Pour les attristés qui tendent leurs bras

Lassés, vers la clémente Mort.
Et voici qu’un jour

De trois points du monde

Trois voyageurs y sont venus;

Le premier était un Poète

Et il dit: Reine des Neiges

Donne-moi un cœur de glace,

Car ma mie

Est trop méchante

Et que je chante

Mes plus jolies chansons;

Ou que je pleure

Les plus tristes pleurs

De mon cœur,

Jeu est pour elle

Ma peine;

Quand plus ne l’aimerai

De merveilleux chants chanterai

Donne-moi un cœur de glace

Reine des Neiges.

Le second était un chevalier

Et il dit: Reine des Neiges

Donne-moi un cœur de glace,

Car lorsque en guerre je pars

Femme et petits pleurants

Me fendent l’âme

Et font trembler mon épée dans ma main;

Si plus personne n’aimais

De gloire me couvrirais -

Donne-moi un cœur de glace

Reine des Neiges.

Le troisième était un Juif

Et il dit: Reine des Neiges

Donne-moi un cœur de glace,

Pour que plus jamais

La plainte des Piteux

Que je dépouille

Ne m’importune;

Quand plus aucun remords n’aurai

Encore plus d’or amasserai -

Donne-moi un cœur de glace

Reine des Neiges.

Et la Reine des Neiges

Leur donna trois jolis cœurs de glace

Et ils s’en furent contents

Mais voici qu’un jour

Des trois points du monde

Les trois voyageurs

Y sont revenus.

Le Poète dit: Reine des Neiges

Prends mon luth, je n’en ai plus que faire -

Depuis que j’ai un cœur de glace

Je ne peux plus chanter.

Le chevalier dit: Reine des Neiges

Prends mon épée; je n’en ai plus que faire -

Depuis que j’ai un cœur de glace

Je n’ai plus de courage

Et le Juif dit: Reine des Neiges

Prends mes sacs d’ecus, je n’en ai plus que faire -

Depuis que j’ai un cœur de glace

Je ne peux même plus

Aimer mon or.
* *
J’ai gardé la mémoire fidèle

Des vieux contes, contés.

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La reine des neiges
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