Sur la Mort de madame Dufrénoy

And the tear that we shed, tho’ in secret it rolls,

Shall long keep his memory green in our souls.

TH. MOORE.
Et les larmes que nous versons, quoiqu’elles coulent en secret,

entretiendront long-temps sa mémoire vivante dans nos âmes.

Une brise inconnue a passé sur la lyre,

La lyre lui répond par un lugubre accord,

Et de vagues terreurs tout bas semblent me dire :

C’est un souffle de mort !
Je vois sur l’Hélicon un long crêpe s’étendre ;

De ses harpes en deuil les gémissantes voix

S’élèvent, et le nom que je tremblais d’entendre

A retenti deux fois.
Je ne le pouvais croire ! Il est donc vrai, c’est elle,

C’est elle qui nous fuit, c’est elle que je perds !

Cessez, fils d’Apollon, cette plainte fidèle,

Et ces pieux concerts.
Non, non, ce n’est pas vous, c’est moi qu’elle a nommée ;

La crédule amitié l’aveuglait dans son choix ;

C’est à mes faibles chants que de sa renommée

Elle a légué le poids.
Hélas ! en exhalant ma promesse timide,

Un sourire peut-être en a suivi l’essor,

Tant ce malheur si prompt, tant cette mort rapide

Paraissait loin encor !
Pleurs, cessez de couler ; un solennel office

Enchaîne ma douleur aux pompes du cercueil :

Sa tombe attend de moi le dernier sacrifice

Et les hymnes du deuil.
Belle âme, que trop tôt le sort nous a ravie,

D’un culte universel n’as-tu pas tressailli,

Toi, qui, de tous les maux, fruits amers de la vie,

Ne craignais que l’oubli ?
Du volage public l’indifférent silence

Te fit douter parfois de ton noble avenir :

Mais tu meurs, et ce jour aux fastes de la France

Inscrit ton souvenir.
Comme un juge indolent, si la foule sommeille,

Aux bruits des chants rivaux qui s’élèvent en chœurs,

A la fin du combat sa justice s’éveille

Pour nommer les vainqueurs.
Son arrêt sur ton front a posé la couronne.

Le poétique essaim de tes succès épris

Contemple avec respect l’éclat qui t’environne,

Et te cède le prix.
Qui pourrait y prétendre, et d’une main avide

Ravir à ton cercueil ces lauriers éclatans ?

Qui s’oserait asseoir à cette place vide

Où tu régnas long-temps ?
Ah ! que ce rang suprême à jamais t’appartienne !

Quel Français oublîra, pour de nouveaux accords,

Celle qui réveilla la lyre lesbienne

Inconnue à nos bords !
Chants d’amour, purs accens dignes du siècle antique,

Mélodieux soupirs, chers au sacré vallon,

Contre le temps ingrat votre pouvoir magique

Protégera son nom !
Mais que lui fait la gloire, autrefois son idole ?

Sans doute elle dédaigne en un séjour plus beau

Ce bien, le seul pourtant, de ce monde frivole,

Qui nous suive au tombeau.
Le seul ! ah, qu’ai-je dit ! l’amitié plus puissante

Sur les hôtes du ciel conserve encor ses droits ;

Et peut-être, parmi la foule gémissante,

Tu reconnais ma voix.
Eh bien, tu l’as voulu, j’ai rempli ma promesse,

J’ai chanté ; dans mon sein étouffant mes soupirs,

Retenant mes sanglots, j’immolai ma tristesse

A tes derniers désirs…
Maintenant laissez-moi dans l’ombre et le mystère

Fleurer les doux avis dont l’espoir m’animait,

L’accueil accoutumé, la voix qui m’était chère,

Et le cœur qui m’aimait ;
Heureuse de pouvoir, dans ma douleur profonde,

Sur sa tombe en secret déposer quelques fleurs,

La regretter tout bas, et dérober au monde

Des yeux mouillés de pleurs !

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