Le Soupir du More

Ce cavalier qui court vers la montagne,

Inquiet, pâle au moindre bruit,

C’est Boabdil, roi des Mores d’Espagne,

Qui pouvait mourir, et qui fuit !
Aux Espagnols Grenade s’est rendue ;

La croix remplace le croissant,

Et Boabdil pour sa ville perdue

N’a que des pleurs et pas de sang…
Sur un rocher nommé Soupir-du-More,

Avant d’entrer dans la sierra,

Le fugitif s’assit, pour voir encore

De loin Grenade et l’Alhambra :
« Hier, dit-il, j’étais calife ;

Comme un Dieu vivant adoré,

Je passais du Généralife

À l’Alhambra peint et doré!

J’avais, loin des regards profanes,

Des bassins aux flots diaphanes

Où se baignaient trois cents sultanes ;

Mon nom partout jetait l’effroi !

Hélas ! ma puissance est détruite ;

Ma vaillante armée est en fuite,

Et je m’en vais sans autre suite

Que mon ombre derrière moi !
« Fondez, mes yeux, fondez en larmes !

Soupirs profonds venus du cœur,

Soulevez l’acier de mes armes :

Le Dieu des chrétiens est vainqueur !

Je pars ! adieu, beau ciel d’Espagne,

Darro, Jénil, verte campagne,

Neige rose de la montagne !

Adieu, Grenade, mes amours !

Riant Alhambra, tours vermeilles,

Frais jardins remplis de merveilles,

Dans mes rêves et dans mes veilles,

Absent, je vous verrai toujours ! »
Sierra d’Elvire, 1844.

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Le Soupir du More
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