Théophile à son ami Chiron

Toi qui fais un breuvage d’eau

Mille fois meilleurs et plus beau

Que celui du beau Ganymède,

Et qui lui donnes tant d’appas

Que sa liqueur est un remède

Contre l’atteinte du trépas,

Penses-tu que malgré l’ennui

Que me peut donner aujourd’hui

L’horreur d’une prison si noire,

Je ne te garde encore un lieu

Au même endroit de ma mémoire

Où se doit mettre un demi-dieu?

Bouffi d’un air tout infecté,

De tant d’ordures humecté,

Et du froid qui me fait la guerre,

Tout chagrin et tout abattu,

Mieux qu’en autre lieu de la terre

Il me souvient de ta vertu.

Chiron, au moins si je pouvais

Te faire ouïr les tristes voix

Dont t’invoquent mes maladies,

Tu me pourrais donner de quoi

Forcer mes Muses étourdies

A parler dignement de toi.

De tant de vases précieux

Où l’art le plus exquis des cieux

A caché sa meilleur force,

Si j’avais seulement goûté

A leur moindre petite amorce

J’aurais trop d’aise et de santé.

Si devant que de me coucher

Mes soupirs se pouvaient boucher

D’un long trait de cet hydromèle

Où tout chagrin s’ensevelit,

L’enfant dont avorta Sémèle

Ne me mettrait jamais au lit.

Au lieu des continus ennuis

Qui me font passer tant de nuits

Avec des visions horribles,

Mes yeux verraient en sommeillant

Mille voluptés invisibles

Que la main cherche en s’éveillant.

Au lieu d’être dans les enfers,

De songer des feux et des fers

Qui me font le repos si triste,

Je songerais d’être à Paris

Dans le cabinet où Caliste

Eut triomphé de Cloris.

A l’éclat de ses doux flambeaux

Les noires caves des tombeaux

D’où je vois sortir les Furies,

Se peindraient de vives couleurs

Et seraient à mes rêveries

De beaux près tapissés de fleurs.

Ah! que je perds de ne pouvoir

Quelquefois t’ouïr et te voir

Dans mes noires mélancolies

Qui ne me laissent presque rien

De tant d’agréables folies

Qu’on aimait en mon entretien!

Que mes dieux sont mes ennemis

De ce qu’ils ne m’ont pas permis

De t’appeler en ma détresse!

Docte Chiron, après le Roi

Et les faveurs de ma maîtresse,

Mon cœur n’a de regret qu’à toi.

Évaluations et critiques :

Théophile à son ami Chiron
{{ reviewsTotal }}{{ options.labels.singularReviewCountLabel }}
{{ reviewsTotal }}{{ options.labels.pluralReviewCountLabel }}
{{ options.labels.newReviewButton }}
{{ userData.canReview.message }}

Commentez ce poème pour montrer à quel point vous êtes créatif et inspiré!

S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x