De l’antre de la nuit sortait la blonde aurore ;

La lutte de l’hiver et du joyeux printemps

Aux grands échos du ciel retentissait encore

Devant les jeunes Dieux fuyaient les vieux Titans.
Du limon fécondé par de chaudes haleines

La race des Héros naissait sur les hauteurs,

Et les peuples nouveaux descendaient dans les plaines,

Et sous leurs pas germaient les hymnes et les fleurs.
Un brouillard d’or, du fond de l’humide vallée,

Vers les splendeurs d’en haut montait comme un encens,

Sur les cimes fumait la neige inviolée,

Les chênes inclinaient leurs feuillages puissants.
A l’âpre odeur des monts, sous les forêts profondes,

L’hyacinthe mêlait ses arômes dans l’air ;

Les filles des sommets neigeux, les fraîches ondes,

Dansaient dans les roseaux avec un rire clair.
Aux lointains bleus, du haut des sacrés promontoires,

Les vents marins soufflaient sous l’azur éclatant ;

Blanches comme l’écume au flanc des vagues noires,

Les filles de la mer bondissaient en chantant.
Parmi les tourbillons d’argent du large fleuve,

Les cygnes blancs voguaient ; le grand ciel radieux

Enveloppait d’amour la terre vierge et neuve,

Tout l’univers chantait la naissance des Dieux.
Nos vois accompagnaient son immense murmure

Ses Dieux étaient nos Dieux et de l’humanité

Il semblait s’exhaler, conte de la nature,

Des effluves de force et de virginité.
Car la nature était pour nous colite une mère ;

Bercés dans ses bras blancs, dormant sur ses genoux,

Ses fils ne trouvaient pas encor sa coupe amère :

Les Dieux des premiers jours étaient si près de nous !
Sur l’Olympe inondé des clartés de l’aurore

On les voyait, baignés dans le matin vermeil,

Conduisant le grand Chœur sur un rythme sonore,

Et faisant circuler des frissons de réveil.
Dans l’éther lumineux et dans la mer profonde,

Dans les antres sacrés, dans les champs, dans les bois,

Ils étaient l’harmonie et la beauté dit monde,

Ses principes vivants, ses inimitables lois.
Leur souffle nourrissait nos robustes poitrines,

Ils nous enveloppaient de grâce et de beauté ;

Ils versaient sur nos fronts leurs lumières divines,

Et dans nos jeunes cœurs la sainte volupté.
Des amis indulgents, non des maîtres sévères !

Calmes, beaux comme nous, souriant à nos jeux ;

Et, comme les aînés guident leurs jeunes frères,

Ils descendaient vers nous et nous montions vers eus.
Quand l’Orient versait comme des avalanches

Sur notre sol sacré ses peuples destructeurs,

La lance au poing, du haut des acropoles blanches,

Ils combattaient pour nous, les Dieux libérateurs.
Comme ils méritaient bien l’amour d’un peuple libre !

Q’un long concert s’élève autour de leur autel !

Des fêtes et des jeux ! que chaque lyre vibre !

La terre ne sera jamais si près du ciel.
Dieux heureux, dont le culte était la joie humaine,

Les danses, les chansons et les vierges en chœur,

Les athlètes puissants luttant nus sur l’arène,

Et les fronts couronnés, et la santé du cœur,
Et surtout le respect des glorieux ancêtres,

Des héros immortels, gardiens de la cité,

Et l’ardente fierté d’un grand peuple sans maître,

Et les mâles vertus : Justice et Liberté.
Qu’êtes-vous devenus, temples, sacrés portiques

Dieux de marbre vêtus, si jeunes et si beaux,

Sauvage puberté des fortes républiques,

Culte austère et pieux des illustres tombeaux ?
On ne cherchera plus dans les formes sacrées

La révélation de l’ordre universel ;

On n’entend plus la vois des lires inspirées,

Et la Liberté dort d’un sommeil éternel.
Le phare qui brillait dans la nuit de l’histoire,

S’est éteint pour jamais sous les vents déchaînés,

Et le monde vieilli, plongé dans l’ombre noire,

Ne retrouvera plus ses Dieux abandonnés.
Ils ne parleront plus dans les bois prophétiques ;

Le lugubre avenir en vain rappellera

L’art exilé du monde et les vertus antiques,

Trésors perdus que nul regret ne nous rendra.
Mais vous, débris muets de sublimes pensées,

Marbres épars, quel est le chemin qui conduit

Vers l’âge d’or perdu, les croyances passées,

L’Élysée, où s’en va ce que l’homme a détruit ?
Par delà deux mille ans, loin des siècles serviles,

J’irais, je volerais sur les ailes des vents,

Vers les temples de marbre et vers les blanches villes,

Chez les grands peuples morts, meilleurs que les vivants.
Dieux heureux, qu’adorait la jeunesse du monde,

Que blasphème aujourd’hui la vieille humanité,

Laissez-moi me baigner dans la source féconde

Où la divine Hellas trouva la vérité !
Laissez-nous boire encor, nous, vos derniers fidèles,

Dans l’urne du symbole où s’abreuvaient les forts.

Vos temples sont détruits, mais, ô Lois éternelles !

Dans l’Olympe idéal renaissent les Dieux morts.
Renaissez, jours bénis de la sainte jeunesse,

Échos d’airs oubliés, brises d’avril en fleur !

La menteuse espérance a-t-elle une promesse

Qui vaille un souvenir au plus profond du cœur ?

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Hellas
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