Chio, l’île joyeuse, est pleine de sanglots.

Au fond d’une demeure où l’on entend les flots,

La jeune fille morte, ô père misérable !

Dans ses longs cheveux blonds dort sur un lit d’érable.

Ses yeux de violette, hélas ! quand le jour luit,

Contiennent à présent la formidable nuit.

Ô Dieux ! c’est le moment où fleurit la pervenche !

Le père, avec horreur tordant sa barbe blanche,

S’en est allé gémir sur le bord de la mer.

Dans l’abîme grondant il verse un fleuve amer,

Et marche, déchiré par sa douleur sans bornes.

La jeune fille dort. Trois Divinités mornes,

Leurs beaux voiles épars et leurs cheveux flottants,

Sont là debout, tressant les roses du printemps

Près de la jeune morte en fleur qui va renaître,

Et se plaignent. Soudain, un disciple du maître

S’avance et, les voyant, leur dit : Que faites-vous

Auprès du lit où s’est penché ce front si doux,

Ô Déesses, (car tout en vous fait qu’on devine

L’immortelle splendeur d’une race divine,)

Puisque les Dieux, exempts du mal et du remords,

Ne sauraient sans souillure être en face des morts,

Qui n’ont plus que la nuit sous leurs paupières lasses ?

Il dit. Mais Aglaïa, la plus jeune des Grâces,

Se tourna vers ses sœurs pâles, et faisant voir

Au disciple ébloui dans la pourpre du soir

Leurs visages mouillés d’une rosée amère,

Murmura : Nous pleurons sur la fille d’Homère.
Février 1864.

Évaluations et critiques :

Chio
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