La chapelle de Bethléem

Bien souvent je me la rappelle,

Dans son pli de coteaux boisés,

La vieille et rustique chapelle

Qui date du temps des Croisés!

Elle s’appuie, humble et petite,

Sur ses contreforts descellés,

Où des touffes de clématite

Brodent leurs festons étoilés.

Les grands chênes pleins de murmures

Où ronflent les vents assoupis,

De leur ombre et de leurs ramures

Caressent ses pans décrépits.

Elle est seule au bord de la route

Qui rampe le long du talus;

La chèvre errante y rôde et broute

Sur un seuil où l’on n’entre plus.

Çà et là, sur les pierres plates

De ses murs qu’effrite le temps,

Le chercheur découvre des dates

Vieilles de quatre fois cent ans.

À gauche, là, sous la corniche,

Au-dessus d’un bassin tari,

Derrière un treillis, dans sa niche,

Une statuette sourit.
Et la pastoure qui fredonne

Sa ballade au bord du chemin,

En passant devant la madone,

Pour se signer lève la main.
Oui, toujours je me la rappelle,

Avec ses combles ardoisés,

L’antique et modeste chapelle

Qui date du temps des Croisés.
Elle a ses contes, ses légendes,

Touchants ou sombres tour à tour,

Comme le vieux menhir des landes

Et le grand christ du carrefour.
Souvent la famille bretonne

Mêle son nom aux longs récits

Que les anciens, les soirs d’automne,

Font près de l’âtre aux murs noircis.
Et, pourtant, à nul auditoire

Charmé, tremblant ou curieux,

Nul n’a raconté ton histoire,

Petit temple mystérieux.

Quel que soit ce qu’on imagine,

Au fond des brumes du passé

Le secret de ton origine

Se perd à jamais effacé.
Pourquoi cet autel solitaire

Au bord de ce profond ravin?

Quelle est cette énigme, mystère

Que l’on cherche à sonder en vain?
Quelle pensée ou quel caprice,

Déroutant l’esprit confondu,

Te suspendit, frêle édifice,

Au flanc de ce coteau perdu?
Ex-voto de reconnaissance,

Parles-tu d’enfant retrouvé,

De deuil cruel, de longue absence,

Ou de retour longtemps rêvé?
Ton portique en pierre jaunâtre,

Qui l’a dessiné? qui l’a fait?

Foulons-nous ici le théâtre

De quelque tragique forfait?
Es-tu la tombe expiatoire

Où l’on vint pleurer à genoux

Quelque grand crime dont l’histoire

N’a pas retenti jusqu’à nous?

Et ce nom de Bethléem même,

Que dit-il? qui te l’a donné?

Plus on sonde et plus le problème

Garde son silence obstiné!
Mais, ô temple! à te mieux connaître

Qu’importe qu’on soit impuissant,

Si ton aspect pieux fait naître

Un espoir au coeur du passant!
Que tes murs tapissés de mousse

Gardent leur éternel secret;

Qu’importe, si ta vue est douce

Au pauvre voyageur distrait!
Jadis, fatigué de ma course,

Étranger égaré là-bas,

Au bord de ton antique source,

Souvent je suspendis mes pas.
Enivrement des solitudes!

Au seuil du vieux portail fermé,

L’aile des douces quiétudes

Rafraîchissait mon front calmé.
Adieu, chagrins et pensées sombres!

Je sentais – ô ravissement! -

Comme un essaim de chastes ombres

Penché sur mon isolement.

Et, quand vers la madone sainte

Mon regard montait plein d’émoi,

A ma lèvre expirait la plainte;

L’espoir se réveillait en moi.
Oh! c’est qu’alors – heures trop brèves! -

À travers l’espace incertain,

Un rêve, le plus saint des rêves,

M’emportait au foyer lointain.
Charme sacré de la prière,

Le temps plus vite s’écoula…

J’aime à retourner en arrière

Pour revivre ces moments-là!
Oui, souvent je me la rappelle,

Dans mes souvenirs apaisés,

La bonne petite chapelle

Qui date du temps des Croisés.

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La chapelle de Bethléem
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