Luc Durtain

Médecin, Poète, Romancier, Essayiste
Nationalité : France
Date/Lieu de naissance :10 mars 1881, Paris, France
Date/Lieu de décès : 29 janvier 1959, Paris, France
Luc Durtain, de son vrai nom André Robert Gustave Nepveu, né le 10 mars 1881 à Paris, mort le 29 janvier 1959 à Paris, est un médecin français devenu poète, romancier, auteur dramatique et essayiste.

Luc Durtain exerçait la profession de médecin oto-rhino-laryngologiste. Découvert par Jules Romains, il est introduit par celui-ci auprès des membres de l’Abbaye de Créteil : il devient l’ami intime de Charles Vildrac et Georges Duhamel, deux des fondateurs de ce phalanstère littéraire.

Il fait la guerre comme médecin aide-major dans un service d’ambulance avant de demander à intégrer un bataillon en Lorraine, et reçoit la Croix de Guerre en 1917. C’est dans les tranchées qu’il commence à écrire un long roman qui ne sera achevé et publié qu’en 1922 Douze cent mille. Le roman, pressenti un temps pour le prix Goncourt, reçoit le prix Charles Richet. Il est salué par la critique comme une des grandes réussites de l’après-guerre, notamment par Benjamin Crémieux. Opposé au roman d’analyse, et d’inspiration socialiste, il anticipe sur les problématiques du roman populiste. Luc Durtain écrit également un recueil de poèmes inspiré de la guerre Le Retour des hommes et beaucoup plus tard, au seuil de la Deuxième Guerre mondiale, un roman pacifiste La Guerre n’existe pas.

Mais c’est surtout à partir du milieu des années vingt que Durtain se fait connaître du grand public et assoit sa notoriété à travers des reportages et romans-reportages se déroulant aux quatre coins de monde. Il est l’un des premiers, avec Henri Béraud et son ami Georges Duhamel à faire le voyage de Moscou. Il en rapporte un reportage (L’Autre Europe: Moscou et sa foi, 1928) dans lequel il salue le projet soviétique tout en mettant en garde contre les dangers d’une culture de parti. Il dénonce également le colonialisme dans son ouvrage Dieux blancs, hommes jaunes (1930), et porte un regard attentif sur le continent sud-américain dans Vers la Ville: kilomètre 3 (1933).

Il écrit aussi des romans-reportages sur les États-Unis qui lui valent une certaine renommée. Son premier ouvrage sur le sujet, Quarantième étage (1927), reçoit un excellent accueil critique et public. Henri Barbusse, Albert Thibaudet, ou Paul Morand saluent la grande réussite de ce recueil de nouvelles dont la première, “Crime à San Francisco”, est la plus importante. En 1928, Durtain publie un roman Hollywood dépassé. Ces deux ouvrages lui permettent d’obtenir le Prix de La Renaissance en 1928 créé par Henry Lapauze, un des six prix les plus importants de l’entre-deux-guerres. Le jury est composé, entre autres, de Colette, Pierre Hamp, Georges Duhamel, Roland Dorgelès, Pierre Mac Orlan, etc. Suit en 1931 Captain O.K., un des très rares romans de l’entre-deux-guerres dénonçant la condition des Noirs américains, dont Philippe Soupault écrira le plus grand bien dans la revue Europe. Enfin, en 1934, il publie Frank et Marjorie, roman sur l’Amérique de la Crise qui accorde également une large place à la description des Indiens d’Amérique et à leur place dans la société américaine de l’époque.

Politiquement marqué à gauche, Durtain participe à la plupart des combats de son temps contre la montée du fascisme. Il conseille ainsi Jules Romains pour la rédaction du manifeste contre le bombardement d’Adoua lors de la guerre d’Éthiopie, dénonce l’invasion de la Pologne par Hitler, et n’hésite pas à rompre avec la Russie stalinienne à l’occasion du pacte germano-soviétique. Membre du comité directeur de la revue Europe depuis sa création, il crée et codirige avec Paul Nizan de 1937 à 1940 Les Cahiers de la Jeunesse : revue universelle, mensuel destiné à la jeunesse communiste et publié sous le patronage de Romain Rolland.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, il donne des articles littéraires au journal socialiste de Jean Luchaire Les Nouveaux Temps qui bascule dans la Collaboration après 1942. Bien qu’il ne soit pas inquiété à la Libération par le Comité national d’épuration, il est écarté de la revue Europe. Il continue de publier jusqu’à sa mort, donnant notamment une immense fresque historique contemporaine en quatre tomes: “Mémoires de votre vie”.

À partir des années 1930, l’auteur se présenta comme un “écrivain en voyage” : il effectua en effet plusieurs voyages autour du monde, notamment en compagnie du sociologue Phan Bội Châu, ou de ses amis Duhamel et Vildrac, explorant l’Afrique, l’Indochine, la Russie, ou les Amériques, et rapportant de nombreux témoignages considérés aujourd’hui comme plein de justesse, de modération, possédant l’art du reportage, ce qui le distingue des “écrivains coloniaux” classiques.

Tout comme Blaise Cendrars ou Joseph Kessel, Durtain possédait un œil documentaire d’une grande acuité. Le plus bel hommage rendu à cet écrivain méconnu est sans doute celui rendu par son ami Georges Duhamel, un an après sa mort: “On n’évoque pas sans un serrement de cœur son visage douloureux des derniers temps, quand on l’a connu comme il m’a été donné de le connaître, à l’époque où ce grand et robuste travailleur parcourait le monde d’un pas de conquérant et accumulait dans des livres marqués d’un sceau si vigoureux, des visions, des témoignages auxquels il faudra revenir le jour où on fera l’histoire de la découverte du monde moderne par les intellectuels et les poètes français de la première moitié de ce siècle. Alors Durtain reprendra toute l’importance que personne ne songeait à lui contester il y a vingt-cinq ans.”