Fanny De Beauharnais

Poétesse, Écrivaine
Date/Lieu de naissance :4 octobre 1737, Paris, France
Date/Lieu de décès :2 juillet 1813, Paris, France
Marie-Anne-Françoise Mouchard de Chaban, dite Fanny, devenue comtesse de Beauharnais par mariage, est une femme de lettres française de la fin du siècle des Lumières qui a traversé l’époque révolutionnaire.

Marie-Anne-Françoise Mouchard de Chaban, dite Fanny, devenue comtesse de Beauharnais par mariage, est une femme de lettres française de la fin du siècle des Lumières qui a traversé l’époque révolutionnaire. Marraine d’Hortense de Beauharnais, sa petite nièce, elle fut membre de l’Académie de Lyon, de l’Académie de Villefranche, de l’Académie des Arcades, et du Lycée de Toulouse.

Voulue dans la lignée tant de Madame de La Fayette que de Voltaire, son œuvre s’inscrit dans un mouvement littéraire se qualifiant de fugitif. Avec ironie et légèreté, ses vers, épîtres, contes moraux ou féériques, dépeignent les caractères sensibles aussi bien que les ridicules des hommes, sans oublier ceux des femmes.

Salonnière dénigrée comme le prototype du bas-bleu, elle a elle-même incarné les derniers moments de l’esprit et de la conversation, tels qu’ils se pratiquaient au xviiie siècle. Parmi quelques autres contemporaines plus célèbres en leur temps qu’aujourd’hui, elle est la femme du monde, qui illustre avec le plus de liberté une forme de féminisme, consacrant son influence à, « durant toute sa vie littéraire, […] lutter pour défendre le statut des autrices, voire pour obtenir le droit à s’exprimer pour toutes les femmes ».

Biographie

Orpheline au couvent (1737-1753)

Louis XV, âgé de vingt sept ans, règne personnellement depuis quatorze ans, quand naît Marie Mouchard de Chaban, huit mois après le mariage de ses parents, dans une famille rochelaise de financiers. Elle a deux ans et trois mois quand meurt sa mère, Anne Louise Lazure, qui était la fille d’un membre de la paneterie-bouche du roi et cuisinier des petits appartements de Louis XV.

Son père, François Abraham Marie Mouchard, écuyer, seigneur de La Garde-aux-Valets (Croix-Chapeau), qui avait acquis la charge de receveur général des finances de Champagne, la place au couvent des Visitandines que Sainte Jeanne de Chantal avait fondé en 1619 à Paris, 17 rue Saint-Antoine. Elle y reçoit l’éducation réservée aux jeunes filles de l’aristocratie, éducation néanmoins sévère, voire humiliante. À dix ans, elle compose un poème. Les sœurs le lui confisquent et le jettent au feu, comme un traité hérétique voué au bûcher.

Mal mariée (1754-1761)

Visiblement rétive à la vocation religieuse, Mademoiselle de Chaban est sortie du couvent à l’âge de quinze ans pour être mariée, le 1er mars 1753, à un homme de vingt ans son aîné, le comte de Beauharnais, frère de François de Beauharnais et héros de la Guerre de Sept Ans qui secourut Québec assiégé.

Claude de Beauharnais n’aime vivre que retiré sur ses terres. Sa femme est belle. Elle lui donne trois enfants, dont Claude de Beauharnais, futur pair de France. Elle aura aussi des enfants illégitimes, dont une fille qu’elle sera obligée de reconnaître sous le Directoire.

Femme libérée (1762-1784)

Neuf ans après son mariage, en 1762, la comtesse de Beauharnais obtient un arrêt de séparation à l’amiable, grâce à un régime d’exception tout à fait contraire à la stricte morale catholique.

Elle retourne vivre chez son père, rue Montmartre, et se consacre à la littérature, qu’elle cultive avec passion, composant des vers, activité clandestine de son enfance qui lui permet désormais une première publication, en 1772. Elle devient, pour une dizaine d’années, un des piliers de l’Almanach des Muses et écrit aussi des contes philosophiques, genre mis à la mode par Voltaire vingt ans plus tôt. Elle est un modèle pour certaines femmes, dont madame de Laisse, auteure oubliée.

Elle reçoit plusieurs gens de lettres, embryon d’un salon mondain. En 1777, elle rencontre le nouveau directeur du Journal des dames, Claude-Joseph Dorat, qui devient son amant et lui confie une rubrique, qu’elle alimente des Lettres de Stéphanie, feuilleton dont elle tire, en 1778, un roman épistolaire. Leur liaison, nourrie d’une vision partagée sur la littérature moderne, dure jusqu’à la mort prématurée de celui-ci, en 1780. Elle le remplace alors par le chevalier de Cubières, lequel adopte le nom de Cubières-Dorat bien que celui-là, tout en s’affichant républicain et quelque peu libertin, fût plutôt réactionnaire, attaché au catholicisme et opposé aux Philosophes, quand celui-ci se montrera franchement républicain exagéré.

À la mort de son père, en 1782, elle est confrontée à l’indigence et retourne à son couvent, mais elle continue de recevoir.

Un salon avant la Révolution (1785-1788)

Peu après la mort de son mari, en 1784, Louis XVI régnant depuis dix ans, Fanny de Beauharnais, âgée de quarante sept ans, loue, à Paris, un des plus beaux appartements de l’hôtel d’Entragues, rue de Tournon et y aménage la pièce principale dans les tons bleu et argent pour y faire son salon littéraire. Toutefois, ses vendredis n’auront jamais le prestige des mercredis de sa rivale, Madame Geoffrin, chez laquelle n’hésitent pas à se rendre les chefs d’État en visite.

Outre le chevalier de Cubières, qui partagera sa vie jusqu’à sa mort, sous l’Empire, Fanny de Beauharnais s’entoure du polygraphe Louis-Sébastien Mercier, de Laus de Boissy, d’Olympe de Gouges, et de plusieurs auteurs dramatiques qui ont à se plaindre de la Comédie-Française. Elle se montre en compagnie de l’écrivaine féministe Anne-Marie du Boccage, dramaturge de vingt huit ans son aînée, que Laure Junot dit avoir été une « Amie fort intime » de la salonnière cinquantenaire. Dans son salon, se rencontrent, entre autres, Cazotte, Rabaut, Potocki, Bitaubé, Soulavie, Baculard d’Arnaud, Beffroy de Reigny, Bailly, Dussaulx, Lévesque, Robin, La Salle, Gudin, Cournaud, Brizard, MM. de Sainte-Aldegonde, de Breghini, de Gardanne, de Vigneul, de Rochefort.

Mably la visite régulièrement. Rousseau la revoit avec plaisir. Buffon l’appelle affectueusement « ma chère fille ». Elle a un échange épistolaire avec le roi de Prusse, Frédéric le Grand qui accueillit Voltaire. L’ambassadeur américain Jefferson se rend à chez elle, mais il ne goûte pas l’ambiance du salon.

Le 31 janvier 1787, sa Fausse inconstance est jouée à la Comédie-Française, promesse d’inscrire l’auteur dans le tableau des Lettres. La pièce est interrompue dès la première au troisième acte par une claque. Habituée aux calomnies d’une société misogyne, l’auteur ne se laisse pas déstabilisé par la cabale et y répond en redoublant d’effort mondain et en publiant sa pièce. En juin, on lui présente Rétif de La Bretonne, qu’elle soutiendra face aux infortunes.

En 1788, un an après Goethe mais bien avant les Romantiques, le goût de l’exotisme l’emmène jusqu’à Rome, où elle est reçue à l’Académie d’Arcadie. C’est chez elle qu’en cette même année 1788 Talma donne une lecture privée de la pièce Charles IX de Marie-Joseph Chénier dont la création tumultueuse, l’année suivante, est un événement politique.

Les Lettres de la République (1789-1803)

Membre de la Société patriotique bretonne, Fanny de Beauharnais est brièvement arrêtée en novembre 1789 alors que la Constituante vote la nationalisation des biens du clergé. Elle fuit les troubles de la Révolution pour l’Italie jusqu’à ce que le chevalier de Cubières soit rappelé à Paris, en mai 1790. Sur le chemin du retour, le 24 août 1790, elle assiste à une séance de l’Académie de Lyon, dont elle avait été élue membre associée en 1782.

De retour à Paris, elle habite de nouveau rue de Tournon, mais cette fois ci au no 6, où elle décide de tenir désormais son salon. Elle y reçoit des représentants des trois premières législatures. C’est là qu’en 1790, pour se moquer de l’invité, le chevalier d’Arsennes fait fuir le grincheux August von Kotzebue en lui faisant croire qu’on est jaloux de son œuvre au point de vouloir l’assassiner. Elle-même fréquente le Lycée au Palais-Royal, où est lue en juillet 1792, l’Épitre que Cubières a composé en hommage à Olympe de Gouges.

La ci-devant comtesse de Beauharnais, qui n’émigrera pas mais sait se réfugier dans ses terres poitevines, continue de recevoir quelques amis après la mort de Louis XVI. En 1793, sa fille Marie Françoise, divorcée de son cousin germain François de Beauharnais, est incarcérée quelque temps à Sainte Pélagie. Elle-même est inquiétée après la chute des Hébertistes, dont Michel de Cubières était proche. Durant la Terreur, il avait écrit un poème à la louange de Jean-Paul Marat.

Durant le Directoire, elle habite avec sa nièce, Joséphine de Beauharnais, un hôtel particulier, situé 6 rue Chantereine, qui appartient à Louise-Julie Carreau, la femme de Talma. C’est là que le jeune général sans fortune Bonaparte se lie à la future impératrice, qu’il épouse le 9 mars 1796, et séjourne entre deux campagnes, si bien qu’en 1799 la tante adopte une résidence germanopratine, rue de Sèvres.

En 1800, L’Isle de la Félicité, long poème inspiré d’un personnage tiré d’un conte d’Aulnoy, lui vaut la consécration. Le Lycée de Toulouse, ci-devant Académie des Jeux floraux, l’admet aux rangs de ses membres, comme l’avait été Voltaire. L’année suivante, à l’occasion de sa renaissance sous le nom d’Athénée, l’Académie de Lyon, comme elle n’y siège plus, lui décerne un diplôme d’associée.

Alliée de l’Empereur (1804-1813)

Alliée à l’Empereur, par le seul nom de son défunt mari, mère de Claude de Beauharnais, sénateur d’Amiens, grand-mère de la grande-duchesse de Bade, grand-tante du vice-roi d’Italie, marraine de la reine de Hollande, Fanny de Beauharnais gaspille son crédit en multipliant les recommandations importunes. Son salon lui-même souffre de l’emphase extravagante du provocateur chevalier de Cubières vieillissant, mais il diffuse la « douceur d’avant la Révolution ». À soixante dix ans, elle se maquille outrancièrement, fait la coquette à l’abri des lueurs atténuées de son salon nocturne et s’habille comme à vingt, sans cesser pour autant de charmer par son esprit xviiie. Elle réunit à sa table des hommes qui avaient imaginé l’avenir, Verninac, Cournand, Vigée, Boufflers, Roquelaure, contant ses souvenirs de la Cour, Mercier, Cailhava, Delisle de Sales, Volmerange, Denina…

Son influence est plus heureuse quand, en 1810, elle fait connaître une autre femme poète, Fortunée Briquet. Elle habite alors rue Saint-Dominique, où elle meurt trois ans plus tard, quelque peu oubliée.