On dit à ce cruel Été,

Qui tanne la peau des gorilles:

Tu nous endors, comme un Léthé;

Puis tu nous cuis et tu nous grilles.
Nous vivons, grâce à ton aplomb

Comme la colombe et les ânes,

Sous une calotte de plomb

Qui fond les cerveaux dans les crânes.
Été cruel, chacun se tut

Devant ton affreux monopole;

Car on sent, comme à l’Institut,

L’étouffement d’une coupole.
Pourquoi remplir nos vastes cieux

De ton caprice et de tes rages?

Quel appareil prétentieux

De fournaise et de faux orages!
Ces orages, que tu prends soin

De balayer avec ta robe,

Filent, et puis s’en vont très loin,

Comme un caissier qui se dérobe.
Effarouchant les astres bleus

Effarés dans leur vol magique,

On ne sait jamais si tu pleus

Ou non. Rouge Été, sois logique.
Écoute-nous, dans tes donjons!

Nous voulons, moyennant des sommes,

Savoir si c’est nous qui mangeons

Les biftecks, ou si nous les sommes.
Or, le féroce Été répond:

Homme, instruit jadis par la Muse,

La foire n’est pas sur le pont.

Je suis un roi. Le roi s’amuse.
Avant de manger les cerneaux,

Comme il est bon que l’homme souffre,

J’ai repris dans mes arsenaux

L’ouragan, la pluie et le soufre.
J’étale ainsi mon gai savoir

Et je sais égayer ma rate;

Et je ris, lorsque après avoir

Balancé, mon dénoûment rate.
Comme en un désert libyen,

J’ai tari les mourantes sources.

Mais que voulez-vous? il faut bien

Que l’on connaisse mes ressources.
Mon sourcil, quand je le fronçais,

A fait gémir la terre noire.

Comme Claretie aux Français,

Je reprends mon vieux répertoire.
Accrochant l’éther sur mes pas,

Je ne tonne pas, et je tonne.

Puis je pleus, et je ne pleus pas.

Voilà donc ce qui vous étonne?
Je fleuris la rose et le lys.

Je sais charmer autant que nuire;

Je fais un Alger de Senlis

Et, j’en conviens, j’aime à vous cuire.
Cependant on doit m’héberger!

Tout cela n’est pas une pose.

Je le fais pour monsieur Berger

Et pour monsieur Alphand. — J’expose!
23 juillet 1889.

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Été
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