Hier, voyez-la ! demain
Du clavecin elle écoute
Chanter le bois surhumain
Et, songeuse, ne se doute
Qu'un fruit d'or tombe en sa main.
Ces vils fruits ne sont que mensonges
Pour un œil ravi d'épier
Tout l'éclatant jardin du songe
Qui mûrit sur votre papier.
A
M"
Madier de
Montjau
Sous un hiver qui neige, neige,
Rêvant d'Edens quand vous passez !
Pourquoi,
Madame
Madier, n'ai-je
A donner que des fruits glacés..
L'an nouveau qui vous caressa
Toujours la même sans rature
Apporte aussi ce fruit et sa
Monotone littérature.
* À
M"
Léopold
Dauphin
Je ne crois pas qu'une brouette
D'espoirs, de vœux, de fleurs enfin
Verse à vos pieds ce que souhaite
Notre cœur,
Madame
Dauphin.
*
Loin d'aucuns palmiers ou du cierge
Que l'aloès érige fin
Ce fruit tombe chez la concierge
Des houris et dames
Dauphin.
*
Ce bon
Dauphin ne s'embarrasse
Deux peignent
une chante mais
La maman partage la grâce À table comme un entremets.
.
Trois sœurs, chacune se dispute À son tour que vous la baisiez,
Votre rire est la même flûte
Que jadis venant de
Béziers.
À celles dont il se moquait
Quand il s'évada pour être ange
Le défunt petit perroquet
Jette de là-haut cette orange.
Que ce fruit toute la
Provence À
Paris goûté par
Gina
Lui semble quelque redevance
Au beau ciel qui l'imagina.
Sur le chignon blond de
Jeannie
Un diamant scintille à nos
Regards quand avec le génie
Elle dompte les pianos.
.
Mil huit cent quatre vingt neuf
Ne saurait sans un blasphème
Exprimer de souhait neuf À vous,
Madame, la même.
Aujourd'hui l'amitié triche
Comme un crabe nous voulons
Que cet
An de la bourriche
Pour vous sorte à reculons.
.
Toute gracieuseté qu'on fit
Se change l'hiver en fruit confit.
Stéphane Mallarmé
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