Pendant des jours et des nuits, mon bateau chargé est resté à l’ancre,
Moi, guettant des vents propices, j’attendais avec de bons amis,
Trinquant à la patience et à la bonne humeur,
Dans une auberge du port.

Eux étaient deux fois plus impatients :
« Nous sommes heureux pour toi de ce très prompt voyage,
Et de cette grande traversée ; abondance de biens
T’attendent dans les mondes, là-bas, de l’autre côté.
Lorsque tu reviendras, tu trouveras dans nos bras
Nos louanges, notre amour. »

Et au petit matin ce fut un grand tumulte ;
Et le matelot nous tire du sommeil en hurlant de bonheur :
Tout grouille, tout vit, tout s’entrecroise
Pour embarquer à la première brise bienfaitrice.

Et les voiles s’épanouissent dans la brise,
Et le soleil nous séduit d’un feu d’amour ;
Les voiles passent, comme les hauts nuages,
Sur la berge tous les amis chantent allègrement
Des chansons d’espérance dans le joyeux tumulte,
Songeant à des joies de voyage, comme celle
Du matin e l’embarquement, ou des premières nuits sous la voûte étoilée.

Mais les vents changeant envoyés par les dieux
Le détournement de la route prévue,
Et il semble s’abandonner à eux
Tente discrètement de les vaincre par ruse,
Fidèle à son but même sur cette voie oblique.

Mais voici que de l’horizon gris et lourd
S’annonce, à pas furtifs, une tempête
Rabattant les oiseaux sur les eaux,
Rabattant le cœur palpitant des hommes ;

Et soudain elle est là. Face à sa rage obtuse
Le marinier amène sagement ses voiles ;
Les vagues et le vent
Jouent avec cette balle envahie par la peur.

Et là-bas sur la rive se tiennent
Les amis et les chers, tremblants sur le sol ferme :
« Ah, pourquoi n’est-il pas resté ici ?
Ah, la tempête ! Faut-il donc que ce brave,
Chassé loin de la Fortune, aille périr ainsi ?
Ah, il devrait, ah, il pourrait ! Ô Dieux ! »

Mais lui reste debout, viril, au gouvernail,
Son bateau est le jouet des vagues et du vent,
Les vagues et le vent ne jouent point de son cœur,
Il jette un regard de seigneur sur l’abîme farouche,
Et se fie, pour échouer ou pour toucher au port,
A ses dieux.

Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre
in, « Anthologie bilingue de la poésie allemande »
Editions Gallimard (La Pléiade), 1995

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