Sur sa butte que le vent gifle,

Il tourne et fauche et ronfle et siffle,

Le vieux moulin des péchés vieux

Et des forfaits astucieux.
Il geint des pieds jusqu’à la tête,

Sur fond d’orage et de tempête,

Lorsque l’automne et les nuages

Frôlent son toit de leurs voyages.
Sur la campagne abandonnée

Il apparaît une araignée

Colossale, tissant ses toiles

Jusqu’aux étoiles.
C’est le moulin des vieux péchés.

Qui l’écoute, parmi les routes,

Entend battre le coeur du diable,

Dans sa carcasse insatiable.
Un travail d’ombre et de ténèbres

S’y fait, pendant les nuits funèbres

Quand la lune fendue

Gît là, sur le carreau de l’eau,

Comme une hostie atrocement mordue.
C’est le moulin de la ruine

Qui moud le mal et le répand aux champs

Infini, comme une bruine.
Ceux qui sournoisement écornent

Le champ voisin en déplaçant les bornes ;

Ceux qui, valets d’autrui, sèment l’ivraie

Au lieu de l’orge vraie ;

Ceux qui jettent les poisons verts dans l’eau

Où l’on amène le troupeau ;

Ceux qui, par les nuits seules,

En brasiers d’or font éclater les meules,

Tous passèrent par le moulin.
Encore :
Les vieux jeteurs de sorts et les sorcières

Que vont trouver les filles-mères ;

Ceux qui cachent dans les fourrés
Leurs ruts sinistrement vociférés ;

Ceux qui n’aiment la chair que si le sang

Gicle aux yeux, frais et luisant ;

Ceux qui s’entr’égorgent, à couteaux rouges,

Volets fermés, au fond des bouges :

Ceux qui scrutent l’espace

Avec, au bout du poing, la mort pour tel qui passe,

Tous passèrent par le moulin.
Aussi :
Les vagabonds qui habitent des fosses

Avec leurs filles qu’ils engrossent ;

Les fous qui choisissent des bêtes

Pour assouvir leur rage et ses tempêtes ;

Les mendiants qui déterrent les mortes

Atrocement et les emportent ;

Les couples noirs, pervers et vieux,

Qui instruisent l’enfant à coucher entre eux deux ;

Tous passèrent par le moulin.
Tous sont venus, sournoisement,

Choisissant l’heure et le moment,

Avec leurs chiens et leurs brouettes,

Et leurs ânes et leurs charrettes ;

Tous sont venus, jeunes et vieux,

Pour emporter jusque chez eux

Le mauvais grain, coûte que coûte ;

Et quand ils sont redescendus

Par les sentes du haut talus,

Les grand’routes charriaient toutes

Infiniment, comme des veines,

Le sang du mal, parmi les plaines.
Et le moulin tournait au fond des soirs

La croix grande de ses bras noirs,

Avec des feux, comme des yeux,

Dans l’orbite de ses lucarnes

Dont les rayons gagnaient les loins.

Parfois, s’illuminaient des coins,

Là-bas, dans la campagne morne,

Et l’on voyait les porteurs gourds,

Ployant au faix des péchés lourds,

Hagards et las, buter de borne en borne.

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Le Péché
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