Dicere carmen.
Horace.
Camille, en dénouant sur votre col de lait
Vos cheveux radieux plus beaux que ceux d’Hélène,
Égrenez tour à tour, ainsi qu’un chapelet,
Ces guirlandes de fleurs sur ces tapis de laine.
Tandis que la bouilloire, éveillée à demi,
Ronfle tout bas auprès du tison qui s’embrase,
Et que le feu charmant, tout à l’heure endormi,
Mélange l’améthyste avec la chrysoprase ;
Tandis qu’en murmurant, ces vins, célestes pleurs,
Tombent à flots pressés des cruches ruisselantes,
Et que ces chandeliers, semblables à des fleurs,
Mettent des rayons d’or dans les coupes sanglantes ;
Que les Dieux de vieux Saxe et les Nymphes d’airain
Semblent, en inclinant leur tête qui se penche,
Parmi les plâtres grecs au visage serein,
Se sourire de loin dans la lumière blanche ;
Les bras et les pieds nus, laissez votre beau corps
Dont le peignoir trahit la courbe aérienne,
Sur ce lit de damas étaler ses accords,
Ainsi qu’un dieu foulant la pourpre tyrienne.
Que votre bouche en fleur se mette à l’unisson
Du vin tiède et fumant, de la flamme azurée
Et de l’eau qui s’épuise à chanter sa chanson,
Et dites-nous des vers d’une voix mesurée.
Car il faut assouplir nos rhythmes étrangers
Aux cothurnes étroits de la Grèce natale,
Pour attacher aux pas de l’Ode aux pieds légers
Le nombre harmonieux d’une lyre idéale.
Il faut à l’hexamètre, ainsi qu’aux purs arceaux
Des églises du Nord et des palais arabes,
Le calme, pour pouvoir dérouler les anneaux
Saints et mystérieux de ses douze syllabes !
Janvier 1844.
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