Voici l’histoire de Wieland l’Orfèvre
Celle
Que contèrent il y a mille ans, des lèvres
Jeunes et chanteuses, lèvres rouges de vierges.
Fleurs qui chantaient, fleurs vives et charnelles,
Froides et pâles y depuis dix siècles, comme les neiges
Éternelles…
Ainsi qu’on amasse la braise éparpillée
Au foyer qu’une cendre étouffe ;
J’avais groupé ces mots gris et froids
Qui palpitent et qui souffrent
Et qui chantaient en moi
Si bas qu’on ne pouvait comprendre
Leur peine et leur émoi ;
Mais ton âme, inclinée comme un souffle,
A chassé cette cendre.
Avivant la flamme aux feuillets
Du vieux livre farouche ;
Et la flamme a brillé, chaste et tendre.
Au souffle de ta bouche ;
Mon cœur a chanté comme la lyre qu’on touche ;
La fenêtre est ouverte sur la nuit, encore!
Voici Mai qui sourit et qui pleure et s’endort ;
Voici l’arôme tiède de la forêt mouillée
Et le ciel où scintillent les frêles fleurs d’or
Des prairies éternelles ;
Voici la nuit printanière qui soupire
Comme un bruissement d’ailes
A travers la feuillée,
Voici l’ombre si belle qu’on est ivre d’elle,
Voici morte la lampe des veillées…
Redis-moi l’histoire de l’Orfèvre :
Ne doit-elle renaître un tel soir,
Sur tes lèvres pieuses et légères ?
Ne devait-il naître des lèvres
Pour redire, plus belle, l’histoire
Millénaire ?
Chante-moi cette histoire que j’aime
De ta voix envolée ;
Redis-la pour moi, pour toi-même,
Pour V amour de la nuit étoHée,
Qui réclame un poème.
Mai 1899.
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