Perside, je me sens heureux…

Perside, je me sens heureux

De ma nouvelle servitude,

Vous n’avez point d’ingratitude

Qui rebute un cœur amoureux.

Il est bien vrai que je me fâche

Du fard où votre teint se cache.

Nature a mis tout son crédit

A vous faire entièrement belle,

L’art qui pense mieux faire qu’elle

Me déplaît et vous enlaidit.
L’éclat, la force et la peinture

De tant et de si belles fleurs

Que l’Aurore avec ses pleurs

Tire du sein de la nature,

Sans fard et sans déguisement

Nous donne bien plus aisément

Le plaisir d’une odeur naïve,

Leur objet nous contente mieux

Et se montre devant nos yeux

Avec une couleur plus vive.
Les oiseaux qui sont si bien teints,

Ne couvrent point d’une autre image

Le lustre d’un si beau plumage

Dont la nature les a peints,

Et leur céleste mélodie,

Plus aimable qu’en Arcadie

N’étaient les flageolets des dieux,

Prend elle-même ses mesures,

Choisit les tons, fait les césures

Mieux que l’art le plus curieux.
L’eau de sa naturelle source

Trouve assez de canaux ouverts

Pour traîner par des plis divers

La facilité de sa course:

Ses rivages sont verdissants

Où des arbrisseaux fleurissants

Ont toujours la racine fraîche,

L’herbe y croît jusqu’à leur gravier,

Mais une herbe que le bouvier

N’apporta jamais à sa crèche.
Ces petits cailloux bigarrés

En des diversités si belles,

Où trouvaient-ils des modèles

Qui les fissent mieux figurés?

La nature est inimitable,

Et dans sa beauté véritable

Elle éclate si vivement

Que l’art gâte tous ses ouvrages,

Et lui fait plutôt mille outrages

Qu’il ne lui donne un ornement.
L’art, ennemi de la franchise,

Ne veut point être reconnu,

Mais l’Amour qui ne va que nu,

Ne souffre point qu’on se déguise.

Les Nymphes au sortir des eaux

D’un peu de jonc et de roseaux

Se font la coiffure et la robe;

Et les yeux du Satyre ont droit

De regretter encor l’endroit

Que le vêtement leur dérobe.
Si vous saviez que peut l’effort

De votre beauté naturelle,

Et combien de vainqueurs pour elle

Implorent l’aide de la mort,

Vous casseriez ces pots de terre,

De bois, de coquille, de verre,

Où vous renfermez vos onguents;

La nuit vous quitteriez le masque,

Et perdriez cette humeur fantasque

De dormir avecque vos gants.
Lorsque vous serez hors d’usage,

Et que l’injure de vos ans

Appellera les courtisans

A l’amour d’un plus beau visage,

Quand vos appas seront ôtés,

Que les rides de tous côtés

Auront coupé ce front d’albâtre,

Tâchez lors d’escroquer l’amour,

Et si vous pouvez, chaque jour

Faites-vous de cire ou de plâtre.
Si le Ciel me fait vivre assez

Pour voir la fin de votre gloire

Et me punir de la mémoire

De nos contentements passés,

Je crois que je serai bien aise,

Ne trouvant plus rien qui me plaise

Au visage que vous aurez,

De revoir l’Amour et les Grâces

Et d’en aller baiser les traces

Sur le fard dont vous userez.
Mais aujourd’hui, belle Perside,

Vos jeunes yeux seront témoins

Qu’il faut un siècle pour le moins

Pour vous amener une ride.

L’Aurore qui dedans mes vers

Voit apprendre à tout l’univers

Que votre beauté la surmonte,

Arrachant de ses beaux habits

Et les perles et les rubis,

Elle pleure et rougit de honte.
Elle n’est point rouge au matin

D’autant que Tithon l’a baisée

Et ne verse point sa rosée

Pour la marjolaine et le thym.

La rougeur qui paraît en elle

C’est de voir Perside si belle,

Et l’humidité de ses pleurs,

Quoi que chante la poésie,

Ce sont des pleurs de jalousie

Et des marques de ses douleurs.

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