En tes rêves, en tes pensées,

En ta main souple, en ton bras fort,

En chaque élan tenace où s’exerce ton corps

La chance active est ramassée.
Dis, la sens-tu, prête à bondir

Jusques au bout de ton désir ?

La sens-tu qui t’attend, et te guette et s’entête

A éprouver quand même, et toujours, et encor

Pour ton courage et pour ton réconfort

Le sort ?
Ceux qui confient aux flots et leurs biens et leurs vies

N’ignorent pas qu’elle dévie

De tout chemin trop régulier ;

Ils se gardent de la lier

Avec des liens trop durs au mât de leur fortune ;

Ils savent tous que, pareille à la lune,

Elle s’éclaire et s’obscurcit à tout moment

Et qu’il faut en aimer la joie et le tourment.
En tes rêves, en tes pensées,

En ta main souple, en ton bras fort,

En chaque élan tenace où s’exerce ton corps

La chance active est ramassée.
Et tu l’aimes d’autant qu’elle est risque et danger,

Que balançant l’espoir comme un levier léger

Elle va, vient et court au long d’un fil qui danse.

Il n’importe que le calcul et la prudence

Te soient chemins plus sûrs pour approcher du but.

Tu veux l’effort ardent qui ne biffe et n’exclut

Aucune affre crédule au seuil de la victoire

Et tu nourris ainsi comme malgré toi

Ce qui demeure encor de ton ancienne foi

En ton vieux coeur contradictoire.
La chance est comme un bond qui s’ajoute à l’élan

Et soudain le redresse au moment qu’il s’affaisse.

Elle règne au delà, de la stricte sagesse

Et de l’ordre précis, minutieux et lent.

Elle est force légère et sa présence allie

On ne sait quelle intense et subtile folie

Au travail ponctuel et chercheur des cerveaux.

Elle indique d’un coup le miracle nouveau.

Les hommes que la gloire aux clairs destins convie

Ont tous, gràce à son aide, incendié leur vie

De la flamme volante et rouge des exploits.

Ils ont crié que la fortune était leur droit

Et l’ont crié si fort qu’ils ont fini par croire

Qu’ils tenaient l’aile immense et blanche des victoires

Sous les poings rabattus de leur ténacité.

Oh ! dis, que n’auraient-ils réussi ou tenté

En notre âge d’orgueil, de force et de vertige

Où le monde travaille à son propre prodige ?
En ta main souple, en ton bras fort,

En chaque élan tenace où s’exerce ton corps,

En tes rêves, en tes pensées,

La chance active est ramassée.

Évaluations et critiques :

La Chance
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