Une âme devant Dieu

Dis-moi la main qui t’enlève,

Ô mon âme, et dans un rêve

Te montre la vérité !

D’où vient qu’un songe m’emporte

Jusques au seuil de la porte

Qu’entr’ouvre l’Éternité

C’est ici que l’homme arrive ;

Oui, je reconnais la rive

Jusqu’où le rocher dérive

Roulé dans le flot des temps ;

J’entre dans le port de l’âme :

Je vais m’asseoir dans la flamme ;

La place que j’y réclame

Est vide depuis longtemps.
Dieu, je te vois ! Comment pénétrer dans ta gloire ?

Détourne mes regards, ne m’anéantis pas ;

Je sens mon front brisé par ton char de victoire :

Dans cet air lumineux qui soutiendra mes pas ?
Je vois tout l’univers rajeuni par la tombe

Des êtres infinis que je ne puis compter

? mon Dieu, je succombe,

Laisse-moi m’arrêter.

Je m’arrête pour me plaindre

De ce monde d’où je sors ;

Toujours espérer et craindre ;

Et moi je pleurais les morts !

Ne savais-je pas encore

Quel esprit devait éclore

De cette éternelle aurore

Qui vit l’Éternel créant ?

Qu’avec toi l’âme ravie

Pour jamais est assouvie

Que dans la Mort est la Vie,

Que la Vie est le Néant ?
Je le savais dès l’enfance,

Je le disais dans mes nuits ;

Et l’espoir de ta présence

Calme seul tous mes ennuis.

Cependant j’aimais la vie

Comme un marin ses dangers,

Comme l’Esquimau n’envie

Nul des soleils étrangers ;

Comme un Chartreux aime l’ombre,

Aime sa cellule sombre

Et, libre, y revient toujours ;

Comme un lévrier fidèle

Caresse la main cruelle

Qui le frappe tous les jours.
Aujourd’hui je sais tout, je te vois, et j’embrasse

L’avenir qui n’est pas, le passé qui n’est plus,

Les temps qui doivent naître et les temps révolus.
Je conçois l’espace,

L’univers s’efface

Et devant ta face

Tout s’unit en toi.

Je vois tout s’y peindre,

Je vois, sans les plaindre,

Les mondes s’éteindre

Et fuir devant moi.
Je puiserai ma force en ta force suprême,

J’ose marcher vers toi, j’ose lever les yeux.

Un seul de tes regards me révèle à moi-même :

Je m’étais échappé de ton sein radieux,
Perdu comme l’étincelle

Qui, dans les nuits de l’été,

Blanche et légère parcelle

D’une immortelle clarté,

Quitte le chœur des étoiles,

Des vapeurs perce les voiles,

Et tombe sur les roseaux

Et s’éteint au fond des eaux.
Laisse-moi pour un jour retourner sur la terre :

Là, sur mon marbre noir, sous ma croix solitaire,

J’irai m’asseoir en souriant ;

Dire : « Je vis toujours » à ceux qui me regrettent,

Qui, posant leurs genoux sur les fleurs qu’ils y jettent,

Viennent me pleurer en priant.

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Une âme devant Dieu
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