Roch, le bon noctambule,

Amoureux comme feu

Tibulle,

Erre sous le ciel bleu.
Oubliant nos désastres,

Il voit les diamants

Des astres

Pleins d’éblouissements.
Ivre du pur silence

Où le rêve subtil

S’élance,

Oh! maintenant, dit-il,
Je renais, je respire!

Je me récite du

Shakspere!

Ce n’est pas défendu.
Oh! quelle joie immense!

La nuit, ce temps béni

Commence

Et le jour est fini.
Ayant quitté leurs bagues,

Par le sommeil touchés,

Les vagues

Figurants sont couchés.
Ronflant en folles gammes,

Ces gens dorment avec

Leurs femmes,

A Paris comme au Pecq.
Et les filles de joie,

Bataillon que la Faim

Déploie,

Se reposent enfin.
D’une main rude et forte

J’ai vu que l’on barrait

La porte

Du fauve cabaret.
Tout gorgés d’écrevisses,

Les fêteurs ont quitté

Leurs vices

Et leur iniquité.
Je suis seul, ô mon rêve!

Mon regard triste et pur

S’élève

Jusqu’au limpide azur.
Et d’anges ou d’oiselles

Dans l’éther bleu, je vois

Des ailes

Et j’écoute des voix.
Où sont les faux artistes

Et sur les boulevarts

Les tristes

Cortèges des bavards?
Évanouis! La terre,

Dans un délicieux

Mystère,

Murmure avec les cieux.
Certes, parfois la Vie

Prépare d’affreux mets,

Ravie

De nous les servir; mais
Elle n’est plus mauvaise,

Lorsque seul et sans bruit

Me baise

La caressante Nuit.
3 mars 1891.

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Nuit
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