La Régularité de la Châsse

I
Châsse claire où s’endort mon amour chaste et cher,

Je m’abrite en ton ombre infinie et charmante,

Sur le sol des tombeaux où la terre est la chair…

Mais sur ton corps frileux tu ramènes ta mante.
Rêve ! rêve et repose ! Écoute, bruit berceur,

Voler vers le ciel vain les voix vagues des vierges.

Elles n’ont point filé le linceul de leur sœur…

Croissez, ô doigts de cire et blémissants des cierges,
Main maigrie et maudite où menace la mort !

Ô Temps ! n’épanche plus l’urne des campanules

En gouttes lourdes… Hors de la flamme qui mord

Naît une nef noyée en des nuits noires, nulles ;
Puis les piliers polis poussent comme des pins,

Et les torchères sont des poings de parricides.

Et la flamme peureuse oscille aux vitraux peints

Qui lancent à la nuit leurs lames translucides…
L’orgue soupire et gronde en sa trompe d’airain

Des sons sinistres et sourds, des voix comme celles

Des morts roulés sans trêve au courant souterrain…

Des sylphes font chanter les clairs violoncelles.
C’est le bal de l’abîme où l’amour est sans fin ;

Et la danse vous noie en sa houleuse alcôve.

La bouche de la tombe encore ouverte a faim ;

Mais ma main mince mord la mer de moire mauve…
Puis l’engourdissement délicieux des soirs

Vient poser sur mon cou son bras fort ; et m’effleurent

Les lents vols sur les murs lourds des longs voiles noirs…

Seules les lampes d’or ouvrent leurs yeux qui pleurent.
II
Pris

dans l’eau calme de granit gris,

nous voguons sur la lagune dolente.

Notre gondole et ses feux d’or

dort

lente.

Dais

d’un ciel de cendre finlandais

où vont se perdant loin les mornes berges,

n’obscurcis plus, blêmes fanaux,

nos

cierges.

Nef

dont l’avant tombe à pic et bref,

abats tes mats, tes voiles, noires trames ;

glisse sur les flots marcescents

sans

rames.

Puis

dans l’air froid comme un fond de puits

l’orgue nous berçant ouate sa fanfare.

Le vitrail nous montre, écusson,

son

phare.

Clair,

un vol d’esprits flotte dans l’air :

corps aériens transparents, blancs linges,

inquiétants regards dardés

des

sphinges.

Et

le criblant d’un jeu de palet,

fins disques, brillez au toit gris des limbes

mornes et des souvenirs feus,

bleus

nimbes…

La

gondole spectre que hala

la mort sous les ponts de pierre en ogive,

illuminant son bord brodé

dé-

rive.

Mis

tout droits dans le fond, endormis,

nous levons nos yeux morts aux architraves,

d’où les cloches nous versent leurs

pleurs

graves.

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La Régularité de la Châsse
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