Quelquefois tu me prends les mains et tu les serres…

Quelquefois tu me prends les mains et tu les serres,

Tu fixes sur les miens tes yeux bons et sincères,

Et, me parlant avec cette ferme douceur

Qui tient du camarade et qui tient de la sœur,

Mêlant dans tes discours les douces réprimandes

Aux encouragements tendres, tu me demandes

Quelles longues douleurs et quels chagrins aigris

M’ont fait le front, si pâle et les yeux si meurtris.

Je prétexte d’abord des tristesses confuses,

Des ennuis qu’il vaut mieux taire; mais tu refuses

De me croire, et j’avoue un souci bien banal

Je te confie alors, tout honteux, qu’un journal

Qui trouve des oisifs quelconques pour le lire

Vient d’insulter mon art, mes frères et la lyre,

Que je m’en suis ému, mais que je m’y ferai.

— Alors, amie, avec ton regard préféré,

Qui se charge un moment de bienveillants reproches

Pour me mettre les bras au cou tu te rapproches,

Et, donnant à ta voix son charme captivant,

Tu me railles tout bas et tu me dis : « — Enfant !

Enfant, qui se permet de garder ce front blême

Et ces grands yeux remplis de chagrin, quand on l’aime !

Ces poètes ingrats! ils sont trop adorés.

Nous les reconnaissons à leurs beaux doigts dorés

Encor d’avoir saisi les papillons du rêve,

Et nous sentons frémir nos cœurs de filles d’Eve.

C’est d’abord un attrait vaguement vaniteux

Qui nous séduit ; car nous savons que ce sont eux

Qui domptent la pensée et le rhythme rebelles

Pour dire aux temps futurs combien nous fûmes belles.

Mais, les Èves toujours écoutant les démons,

Nous les aimons, et puis après nous les aimons

Encor parce qu’eux seuls savent parler aux femmes.

Ainsi donc vous auriez les rêves et les âmes,

Poëtes, vous seriez les heureux, vous auriez

La rose qui parfume et fleurit vos lauriers ;

Vous auriez cette joie, et parce que l’Envie

Aura mordu le vers qu’une femme ravie

La veille avait trouvé peut-être le plus beau,

Ainsi qu’un écolier qui se plaint d’un bobo

Vous nous reviendriez tout pleurants et moroses ! »
— Je t’écoute, mignonne, et tu me dis ces choses

D’un accent qui caresse, et, doucement moqueur,

Éveille la gaieté franche qui vient du cœur ;

Et tu me le redis jusqu’à ce qu’applaudisse

Ma pensée oubliant la haine et l’injustice;

Et tu n’en parles plus que lorsque l’entretien

Te fait bien voir mon cœur heureux comme le tien.

Ainsi nous devisons longtemps à l’aventure ;

Et, quand c’est bien assez parler littérature,

Afin que ton conseil me soit plus précieux,

Tu me fais le baiser que tu sais, sur les yeux.

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