Apologue
Las des fleurs, épuisé de ses longues amours,

Un papillon dans sa vieillesse

(Il avait du printemps goûté les plus beaux jours)

Voyait d’un oeil chagrin la tendre hardiesse

Des amants nouveau-nés, dont le rapide essor

Effleurait les boutons qu’humectait la rosée.

Soulevant un matin le débile ressort

De son aile à demi-brisée :
 » Tout a changé, dit-il, tout se fane. Autrefois

L’univers n’avait point cet aspect qui m’afflige.

Oui, la nature se néglige ;

Aussi pour la chanter l’oiseau n’a plus de voix.

Les papillons passés avaient bien plus de charmes !

Toutes les fleurs tombaient sous nos brûlantes armes !

Touchés par le soleil, nos légers vêtements

Semblaient brodés de diamants !

Je ne vois plus rien sur la terre

Qui ressemble à mon beau matin !

J’ai froid. Tout, jusqu’aux fleurs, prend une teinte austère,

Et je n’ai plus de goût aux restes du festin !

Ce gazon si charmant, ce duvet des prairies,

Où mon vol fatigué descendait vers le soir,

Où Chloé, qui n’est plus, vint chanter et s’asseoir,

N’offre plus qu’un vert pâle et des couleurs flétries !

L’air me soutient à peine à travers les brouillards

Qui voilent le soleil de mes longues journées ;

Mes heures, sans amour, se changent en années :

Hélas ! Que je plains les vieillards !
 » Je voudrais, cependant, que mon expérience

Servît à tous ces fils de l’air.

Sous des bosquets flétris j’ai puisé ma science,

J’ai défini la vie, enfants : c’est un éclair !

Frêles triomphateurs, vos ailes intrépides

S’arrêteront un jour avec étonnement :

Plus de larcins alors, plus de baisers avides ;

Les roses subiront un affreux changement.
 » Je croyais comme vous qu’une flamme immortelle

Coulait dans les parfums créés pour me nourrir,

Qu’une fleur était toujours belle,

Et que rien ne devait mourir.

Mais le temps m’a parlé ; sa sévère éloquence

A détendu mon vol et glacé mes penchants :

Le coteau me fatigue et je me traîne aux champs ;

Enfin, je vois la mort où votre inconséquence

Poursuit la volupté. Je n’ai plus de désir,

Car on dit que l’amour est un bonheur coupable :

Hélas ! D’y succomber je ne suis plus capable,

Et je suis tout honteux d’avoir eu du plaisir.  »
Près du sybarite invalide,

Un papillon naissait dans toute sa beauté :

Cette plainte l’étonne ; il rêve, il est tenté

De rentrer dans sa chrysalide.
 » Quoi ! Dit-il, ce ciel pur, ce soleil généreux,

Qui me transforme et qui me fait éclore,

Mon berceau transparent qu’il chauffe et qu’il colore,

Tous ces biens me rendront coupable et malheureux !

Mais un instinct si doux m’attire dans la vie !

Un souffle si puissant m’appelle autour des fleurs !

Là-bas, ces coteaux verts, ces brillantes couleurs

Font naître tant d’espoir, tant d’amour, tant d’envie !

Oh ! Tais-toi, pauvre sage, ou pauvre ingrat, tais-toi !

Tu nous défends les fleurs encor penché sur elles.

Dors, si tu n’aimes plus ; mais les cieux sont à moi :

J’éclos pour m’envoler, et je risque mes ailes ! «

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Le papillon malade
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