Campagne, où sur le cerisier
Je mange à même des cerises,
Chez toi je puis m’extasier!
Mais le ciel t’en fait voir de grises.
C’est vrai, nous sommes en juillet
Par ce temps-là, sang et tonnerre!
Voici bien la rose et l’oeillet,
O vieux siècle nonagénaire!
Mais par un procédé nouveau,
Puisque, pour imiter décembre,
Le vent pleure et geint comme un veau,
J’allume un grand feu dans ma chambre.
Pluie, orage, tonnerre, éclair,
Et vous, noirs frimas que j’héberge,
Tant pis! j’allume un beau feu clair,
Un feu de forge, un feu d’auberge.
Privé de voir le doux ciel bleu,
Je mets un terme aux dithyrambes
Et, transi, j’allume ce feu,
Afin de me rôtir les jambes.
Et l’autan noir peut aboyer.
Pourtant, voyant la flamme éparse
Rougir ma vitre et flamboyer,
Les Lys disent: C’est une farce.
Lys pur au superbe appareil,
Vous dont Hugo, dans sa fournaise,
A dit: Le Lys à Dieu pareil,
Vous en parlez bien à votre aise!
Car pourquoi, par quelles raisons,
Renan l’ignore comme Taine,
Mais on voit bien que les Saisons
Courent toutes la prétentaine.
Par un délire inattendu,
(Qu’un bon coup de vin nous console!)
A coup sûr, elles ont perdu
La tramontane et la boussole.
Cachant sous leur sombre manteau
Les déluges, les pleurs, les houles,
Ces vagabondes s’en vont au
Hasard, comme des femmes soûles.
A voir leur choeur aérien
S’agiter dans le ciel qui bouge,
On songe aux danseuses que rien
Ne déconcerte, au Moulin-Rouge.
Elles vont, folles de terreur,
Parmi les nuits hyperborées,
A travers le vague et l’horreur
Et les vertigineux Borées,
Et découvrant leur mollet noir
A travers la nue impollue,
Sur leurs jambes semblent avoir
Des bas noirs, comme la Goulue.
En se tordant comme des flots,
Elles s’en vont avec des rages,
Des hurlements et des sanglots;
Et les cherchant dans les orages,
Parfois, combat mystérieux!
Dans le désordre affreux d’un rêve,
Le Soleil, astre furieux,
Les aveugle avec son vieux glaive.
Sous l’éclair de son yatagan
Elles s’en vont, dégingandées
Et c’est le sauvage Ouragan
Qui fouaille ces dévergondées.
22 juillet 1890.
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