Salvator Rosa

Qu’avais-tu dans l’esprit, maître à la brosse ardente,

Pour que sous ton pinceau la nature en fureur

Semble jeter au ciel une insulte stridente,

Ou frémir dans l’effroi de sa sinistre horreur ?
Pourquoi dédaignais-tu les calmes paysages

Dans la lumière au loin ourlant leurs horizons,

Les lacs d’azur limpide, et sur de frais visages

L’ombre du vert printemps qui fleurit les gazons ?
Il te fallait à toi l’atmosphère d’orage ;

Quelque ravin bien noir où mugisse un torrent

Qui boit et revomit l’écume de sa rage ;

Quelque fauve bandit sur des rochers errant.
L’ouragan qui s’abat sur tes arbres d’automne

Rugisait, n’est-ce pas ? Dans ton âme de fer.

Tu ne te laisais pas au bonheur monotone,

Mais aux transports fougueux déchaînés par l’enfer.
Ce sont tes passions qui hurlent sur tes toiles ;

Toi-même, tu t’es peint dans ces lieux dévastés,

Dans ces chênes tordant, sous la nuit sans étoiles,

Sur l’abîme béant leurs troncs décapités.

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Salvator Rosa
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