Ballade en quittant le Havre-de-Grâce

Enfin je pars et voici le navire.

Adieu, Paris joyeux! adieu, tombeau!

Vis sans savoir que Misère soupire,

Maigre, et saignant sur son vieil escabeau,

Et ses seins nus mal couverts d’un lambeau.

Vis dans ta haine et dans ton avarice;

Moi, je m’envole au gré de mon caprice.

La voile s’enfle, éprise de l’éther,

Et, délivré, j’invoque ma nourrice,

La mer aux flots tumultueux, la mer!
Adieu, prison où pleura mon martyre!

Adieu, Gobsecks à l’âme de corbeau!

La vague est là qui me berce et m’attire;

L’archer divin, jeune, féroce et beau,

A sur la mer secoué son flambeau.

Dans sa splendeur, comme une impératrice,

Elle sourit, la grande séductrice;

Et je respire, ivre du gouffre amer,

Pour que son souffle odorant me guérisse,

La mer aux flots tumultueux, la mer!
J’entends passer comme un accord de lyre.

O lovelace en habit bleu barbeau,

Féru d’amour pour une tirelire,

Paris, adieu! garde tes Mirabeau,

Et Ferraris et Juliette Beau!

Amuse-toi; que ton été fleurisse.

J’ai sous mes pieds la sainte inspiratrice

Dont l’âpre haleine a pénétré ma chair,

La grande mer, la mer consolatrice,

La mer aux flots tumultueux, la mer!
Envoi.
Toi, coeur blessé, ferme ta cicatrice.

L’algue éplorée aux verts cheveux lambrisse

Le roc; je vois briller au soleil clair

La verte plaine où le flot se hérisse,

La mer aux flots tumultueux, la mer!
Mai 1861.

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Ballade en quittant le Havre-de-Grâce
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