41 – Plus l’estains plus l’allume

CCCLXVII [=CCCLVII] .
Tousjours n’est pas la mer Egée trouble,

Et Tanais n’est point tous temps gelé:

Mais le malheur, qui mon mal me redouble,

Incessamment avecques luy meslé

S’encheine ensemble, & ainsi congelé

Me fait ardoir tant inhumainement,

Que quand par pleurs je veulx soubdainement

Remedier a si grand’ amertume:

Voulant ma flamme estaindre aulcunement,

Plus je l’estains, & plus fort je l’allume.
CCCLXVIII [=CCCLVIII] .
Toutes les foys, que sa lueur sur Terre

Jecte sur moy un, ou deux de ses raiz,

En ma pensée esmeult l’obscure guerre

Parqui me sont sens, & raison soubstraictz.

Et par son tainct Angeliquement fraiz

Rompt ceste noise a nulle aultre pareille.

Et quand sa voix penetre en mon oreille,

Je suis en feu, & fumée noircy,

Là ou sa main par plus grande merveille

Me rend en marbre & froid, & endurcy.
CCCLXIX [=CCCLIX] .
Quand l’ennemy poursuyt son adversaire

Si vivement, qu’il le blesse, ou l’abat:

Le vaincu lors pour son plus necessaire

Fuyt çà, & là, & crie, & se debat.

Mais moy navré par ce traistre combat

De tes doulx yeulx, quand moins de doubte avois,

Cele mon mal ainsi, comme tu vois,

Pour te monstrer a l’oeil evidamment,

Que tel se taist & de langue, & de voix,

De qui le coeur se plaint incessament.
CCCLXX [=CCCLX] .
En ce Faulxbourg celle ardente fornaise

N’esleve point si hault sa forte alaine,

Que mes souspirs respandent a leur aise,

Leur grand’ fumée, en l’air qui se pourmeine.

Et le Canon, qui paour, & horreur meine,

Ne territ point par son bruyt furieux

Si durement les circonvoysins lieux,

Qui sa ruyne, & sa fureur soustiennent,

Que mes sanglotz penetrantz jusqu’aux cieulx

Esmeuvent ceulx, qui en cruaulté regnent.
CCCLXXI [=CCCLXI] .
La passion de soubdaine allegresse

Va occultant soubz l’espace du front

Deux sources d’eaux, lesquelles par destresse

Confusément souvent elle desrompt.

Mais maintenant le coeur chault, & tresprompt

Les ouvre au dueil, au dueil, qui point ne ment:

Et qui ne peult guerir par oignement

De patience en sa parfection,

Pour non povoir souffrir l’esloingnement

Du sainct object de mon affection.
CCCLXXII [=CCCLXII] .
Ne du passé la recente memoyre,

Ne du present la congneue evidence,

Et du futur, aulcunesfoys notoyre,

Ne peult en moy la sage providence:

Car sur ma foy la paour fait residence,

Paour, qu’on ne peult pour vice improperer.

Car quand mon coeur pour vouloir prosperer

Sur l’incertain d’ouy, & non se boute,

Tousjours espere: & le trop esperer

M’esmeult souvent le vacciller du doubte.
CCCLXXIII [=CCCLXIII] .
Estant ainsi vefve de sa presence,

Je l’ay si vive en mon intention,

Que je la voy toute telle en absence,

Qu’elle est au lieu de sa detention.

Par divers acte, & mainte invention

Je la contemple en pensée rassise.

Cy elle alloit, là elle estoit assise:

Icy tremblant luy feis mes doleances:

En ceste part une sienne devise

Me reverdit mes mortes esperances.
CCCLXXIIII [=CCCLXIIII] .
L’Esprit vouloit, mais la bouche ne peut

Prendre congé, & te dire a Dieu, Dame:

Lors d’un baiser si tresdoulx se repeut,

Que jusqu’au bout des levres tyra l’Ame.

L’oeil a plorer si chauldement s’enflamme,

Qu’il t’esmouvroit a grand’ compassion.

Quand est du Coeur, qui seul sans passion

Avecques toy incessamment demeure,

Il est bien loing de perturbation,

Et rid en soy de ce, de quoy l’oeil pleure.
CCCLXXV [=CCCLXV] .
La Lune au plein par sa clarté puissante

Rompt l’espaisseur de l’obscurité trouble,

Qui de la nuict, & l’horreur herissante,

Et la paour pasle ensemble nous redouble:

Les desvoyez alors met hors de trouble,

Ou l’incertain des tenebres les guide.

De celle ainsi, qui sur mon coeur preside,

Le doulx regard a mon mal souverain

De mes douleurs resoult la nue humide,

Me conduisant en son joyeux serain.

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