Ode
Vous pour qui les rayons du jour
Sont amoureux de cet empire
Que Mars redoute et que l’Amour
Ne saurait voir qu’il ne soupire ;
C’est bien avecque du sujet
Qu’un grand Roi vous a fait l’objet
D’une affection infinie
Et que toutes les nations
Ont permis que votre génie
Forçât leurs inclinations.
Les faveurs que vous méritez
Ont obligé même l’envie
D’accroître vos prospérités
En disant bien de votre vie.
Lorsqu’elle veut parler de vous
Sans artifice et sans courroux ;
Elle se produit toute nue ;
Et, ses vains désirs abattus,
Fait gloire d’être reconnue
Pour triomphe de vos vertus.
Personne n’est fâché du bien
Dont votre sort heureux abonde ;
D’autant qu’il ne vous sert de rien
Qu’à faire du plaisir au monde.
Ainsi le céleste flambeau ;
Qui fut l’ornement le plus beau
Qu’enfanta la masse première ;
N’a jamais eu des envieux;
Car il n’use de sa lumière
Que pour en éclairer nos yeux.
Chaque saison donne ses fruits :
L’automne nous donne ses pommes,
L’hiver donne ses longues nuits
Pour un plus grand repos des hommes ;
Le printemps nous donne des fleurs,
Il donne l’âme et les couleurs
A la feuille qui semble morte,
Il donne la vie aux forêts,
Et l’autre saison nous apporte
Ce qui fait jaunir nos guérets.
La terre pour donner ses biens
Se laisse fouiller jusqu’au centre ;
Et pour nous les champs Indiens
Se tirent les trésors du ventre.
L’onde enrichit de cent façons
Nos vaisseaux et nos hameçons ;
Et cet élément si barbare,
Pour se faire voir libéral,
Arrache de son sein avare
L’ambre, la perle et le coral.
Ce qu’on dit de ce grand trésor
Découlant de la voix d’Alcide,
C’étaient vraiment des chaînes d’or
Qui tenaient les esprits en bride.
Connaissant ces divins appas,
Alexandre donnait-il pas
Tout son gain de paix et de guerre ?
Ce prince, avec tout son bonheur
S’il n’eût donné toute la terre
Ne s’en fût jamais fait seigneur.
Les zéphyrs se donnent aux flots,
Les flots se donnent à la Lune,
Les navires aux matelots,
Les matelots à la Fortune.
Tout ce que l’univers conçoit
Nous apporte ce qu’il reçoit
Pour rendre notre vie aisée.
L’abeille ne prend point du ciel
Les doux présents de la rosée
Que pour nous en donner le miel.
Les rochers qui sont le tableau
Des stérilités de nature,
Afin de nous donner de l’eau
Fendent-ils pas leur masse dure ?
Et les champs les plus impuissants
Nous donnent l’ivoire et l’encens;
Les déserts les plus inutiles
Donnent de grands titres aux rois ;
Et les arbres les moins fertiles
Nous donnent de l’ombre et du bois.
Marquis, tout donne comme vous.
Vous donnez comme celui même
Dont les animaux sentent tous
La libéralité suprême.
Dieu nous donne par son amour,
Avec les présents du jour,
Les traits mêmes de son visage.
Ce monde, ouvrage de ses mains,
N’est point bâti pour son usage,
Car il l’a fait pour les humains.
Que le Ciel reçoit de plaisir
Alors qu’il voit sa créature
Vivre dans un si beau désir
Et si conforme à la nature !
Je voudrais bien vous imiter,
Mais ne pouvant vous présenter
Ce que la Fortune me cache,
Puisque tout donne en l’univers,
Je veux que tout le monde sache
Que je vous ai donné des vers.
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