Ode à Cassandre

En vous donnant ce pourtraict mien

Dame, je ne vous donne rien

Car tout le bien qui estoit nostre

Amour dès le jour le fit vostre

Que vous me fistes prisonnier,

Mais tout ainsi qu’un jardinier

Envoye des presens au maistre

De son jardin loüé, pour estre

Toujours la grace desservant

De l’heritier, qu’il va servant

Ainsi tous mes presens j’adresse

A vous Cassandre ma maistresse,

Corne à mon tout, et maintenant

Mon portrait je vous vois donnant :

Car la chose est bien raisonnable

Que la peinture ressemblable,

Au cors qui languist en souci

Pour vostre amour, soit vostre aussi.

Mais voyez come elle me semble

Pensive, triste et pasle ensemble,

Portraite de mesme couleur

Qu’amour a portrait son seigneur.

Que pleust à Dieu que la Nature

M’eust fait au coeur une ouverture,

Afin que vous eussiez pouvoir

De me cognoistre et de me voir !

Car ce n’est rien de voir, Maistresse,

La face qui est tromperesse,

Et le front bien souvent moqueur,

C’est le tout que de voir le coeur.

Vous voyriés du mien la constance,

La foi, l’amour, l’obeissance,

Et les voyant, peut estre aussi

Qu’auriés de lui quelque merci,

Et des angoisses qu’il endure :

Voire quand vous seriés plus dure

Que les rochers Caucaseans

Ou les cruels flos Aegeans

Qui sourds n’entendent les prieres

Des pauvres barques marinieres.

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Ode à Cassandre
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