Voici les Rois. La joie est vive à la maison.

De la cuisine on sent comme une exhalaison

De mets appétissants, de choses succulentes;

Ustensiles brunis, lames étincelantes,

Au fumet des pâtés, au parfum des rôtis,

En tintements joyeux mêlent leur cliquetis.
Dans la salle à manger tout prend un air de fête;

Sur la nappe qui luit la vaisselle s’apprête;

Au salon quelqu’un joue un air étourdissant;

Le lustre du plafond rutile incandescent,

Et met des plaques d’or sur les argenteries.

La porte entre-bâillée a des chuchoteries
Au rythme clair et gai comme un allegretto.

C’est la voix des petits qui parlent du teau,

Du gâteau merveilleux à la croûte dorée,

À la mie odorante, et qui, pour la soirée,

Désignera bientôt, dans ce groupe enfantin,

La reine du hasard et le roi du destin.
Ils sont là, frères, soeurs, et cousins et cousines,

Petits voisins avec les petites voisines,

Rieurs et babillards, tapageurs, triomphants…

Oh! les moments bénis que ces fêtes d’enfants!

-    Je serai roi, dit Paul.

- Et moi, je serai reine !

Dit Louise.

-    Attendez, c’est moi la souveraine!

S’écrie Héva; j’aurai des tas de bijoux d’or.

-    Moi, fait Joseph, j’aurai tout plein le corridor

De soldats.

-    Pas du tout, dit Albert qui s’approche;

C’est moi le roi : j’aurai des bonbons plein ma poche!

-    Non, non!

-    Si! si!

Les voix se taisent tout à coup :

On venait de frapper à la porte; et, debout

Au dehors, un enfant apparaissait dans l’ombre,

Grelottant et tendant la main dans la nuit sombre.

Cette apparition ne dura qu’un instant.
-    Allons, cria le père; à table, on nous attend!

Il ne faut pas laisser froidir ces bonnes choses.

Et tous ces blonds minois et ces figures roses,

Fous de joie, et d’un même objet préoccupés,

Autour du gai festin furent bientôt groupés.

On avait fait des plats l’inspection sommaire;

Lorsque, tout étonnée :

-    Hein! voyons, dit la mère,

Qu’a-t-on fait du gâteau des Rois?

Tout aussitôt,

Chacun de s’écrier :

-    Où donc est le gâteau?

-    Mais je viens de le mettre ici, répond la bonne.

-    Plus de gâteau! reprend le père; elle est bien bonne!

Qu’est-il donc devenu? Quelqu’un l’aurait-il pris?

Et les petits enfants protestent tout surpris.

Seule, Jeanne, en son coin, semblait, toute confuse,

Vouloir se dérober ou chercher une excuse.

-    Toi, Jeanne?…

Et la petite avoue en bégayant :

-    Je l’ai donné tantôt au petit mendiant!

Et le papa charmé, que l’aveu rassérène :

-    Viens m’embrasser, dit-il, Jeanne; c’est toi, la reine!

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Le jour des Rois
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