Première communion

À ma petite amie, Soledad Johanet, de Paris, et à ma fille Jeanne.
I

À Soledad
Le beau soleil de mai rayonne,

Et, d’un baiser d’or, dit bonjour

Au bronze saint qui carillonne

Au fond des grands clochers à jour.
Une foule toute fleurie

Envahit les parvis sacrés;

Viens, Soledad, viens, ma chérie;

C’est Jésus qui nous dit : – Entrez!
Il t’attend au banquet des anges;

Approche, le couvert est mis;

Les enfants, les fleurs, les mésanges,

Tous les petits sont ses amis.
Les cierges brûlent, l’orgue chante,

À l’autel fume l’encensoir;

La voix, qui se fait plus touchante,

Te dit : – Ma fille, viens t’asseoir!

Écoute cet appel si tendre;

Obéis à la douce voix;

C’est Dieu même qui vient te tendre

La main pour la première fois.
De sa croix où l’amour le cloue,

Lui l’Adorable, lui le Saint,

Il veut te baiser sur la joue;

Il veut te presser sur son sein.
Il désire être à toi… Que dis-je?

Dans son amour de Tout-Puissant,

Par un ineffable prodige,

Il t’offre son corps et son sang.
Son corps qui, d’un gibet immonde,

Pour pardonner ouvre les bras!

Son sang qui racheta le monde,

Et coule encor pour les ingrats!
Ce corps, ô miracle qui touche!

Ce sang, séraphique liqueur,

Ils vont descendre sur ta bouche,

Et pénétrer jusqu’en ton coeur.
Oui, dans ton petit coeur, mignonne,

Par la Foi nos yeux entr’ouverts

Vont voir flamboyer la couronne

Du monarque de l’univers.

Ceux qui t’aiment sont là qui tremblent :

Devant le mystère troublant,

Ils croient voir des ailes qui semblent

Palpiter sous ton voile blanc.
Pour bien répondre à leur tendresse,

Ma Soledad, ouvre au Seigneur!

Plonge-toi dans ta sainte ivresse,

Abîme-toi dans ton bonheur!
Celui, dont la grandeur austère

Se courbe aujourd’hui sous ton toit,

Te donne le ciel et la terre,

Enfant, puisqu’il se donne à toi.
Le prêtre vient, la cloche sonne,

Voici Dieu, mon ange, à genoux!

Tends-lui ta lèvre qui frissonne;

Aime-le bien et pense à nous!
Prie un peu pour chaque souffrance,

Pour l’incrédule au coeur flétri,

Pour ta famille et pour la France,

La grande mère au sein meurtri!
Et puis, dans ta reconnaissance,

Au doux Jésus qui t’aime tant

Offre ta candide innocence,

Et le bon Dieu sera content.
II

À Jeanne
Près de toi, ce matin, Jeanne, chacun s’empresse;

On te choie, on t’embrasse; et ceux que tu chéris,

Pour te manifester leur joie et leur tendresse,

Ne peuvent pas trouver de mots assez fleuris.
Dès l’aurore, on t’a mise en belle robe blanche;

Tu devrais te sentir radieuse; et pourtant

Ton front si doux, si pur, ainsi qu’un lys qui penche,

S’incline tout rêveur sous son voile flottant.
Je comprends : aujourd’hui les choses de la terre

Ne sauraient captiver ton oreille ou tes yeux;

Tremblant et recueilli devant le grand mystère,

Ton coeur se ferme au monde et s’ouvre pour les cieux.
Ah! c’est que, tout à l’heure, à la lueur des cierges,

Au parfum de l’encens, au bruit des saintes voix,

Tu vas rompre le pain des anges et des vierges,

Et recevoir ton Dieu pour la première fois!
Ton Dieu, le Dieu de tous, le Tout-Puissant, le Maître

Devant qui le ciel même hésite épouvanté,

Le Roi, le Saint des saints!… Et ton cher petit être

S’émeut d’effroi devant l’auguste majesté.

Tu frémis en songeant que l’arbitre du monde,

Que le souverain Chef qui commande en vainqueur

Aux étoiles des cieux comme aux gouffres de l’onde,

Jeanne, dans un instant, va descendre en ton coeur.
Dieu, pour toi, c’est Celui qui d’un mot peut dissoudre

Et plonger au néant des milliers d’univers;

C’est le mont Sinaï tout couronné de foudre;

C’est le grand Juge au seuil des firmaments ouverts.
Enfant, détrompe-toi! Ne tremble pas, espère!

Dieu n’est pas seulement le puissant créateur;

S’il est le souverain, il est aussi le père;

Plus encor que le Maître, il est le bon Pasteur.
Il s’éprend de pitié devant sa créature;

Les humbles sous son aile ont toujours un abri;

C’est la grande bonté planant sur la nature,

L’universel amour sur son oeuvre attendri!
Pour son immensité tu n’es pas trop petite;

Bergers et potentats à ses yeux sont pareils;

S’il créa l’astre, il fit aussi la clématite;

Le brin d’herbe pour lui vaut le roi des soleils.
Il a fait le printemps, la lumière, les roses,

Le vol de l’hirondelle et le chant du bouvreuil;

Et c’est lui qui, charmante entre toutes ces choses,

Fait luire en ce moment cette larme à ton oeil.

Rassure-toi; Jésus est un Dieu doux et tendre;

Il aime à se pencher sur tous les coeurs fervents;

Et puis, n’a-t-il pas dit – heureux qui sait l’entendre!

- Laissez venir à moi tous les petits enfants?
À genoux! ne crains rien, souris : la faute d’Ève,

Pour ta sainte candeur Dieu l’efface aujourd’hui;

Car la communion, c’est un coin qu’il soulève

Du voile qu’elle a mis entre la terre et lui.
Et quand il touchera ta lèvre diaphane,

Que tu t’épancheras dans son doux entretien,

Prie un peu pour celui qui voudrait bien, ô Jeanne,

L’aimer avec un coeur aussi pur que le tien!

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