Ballade à sa femme, Lorraine

Mon cher amour, c’est presque à Domremi

Que te berça la plaine bocagère,

D’où ton courage et ton coeur affermi;

Car tu naquis, ô bonne ménagère,

Dans le pays de la grande Bergère.

Comme au travail jamais tu ne pleuras

Ta peine rude et ne désespéras,

Dans la maison, régente et souveraine,

Tu fais tout luire, et toujours tu seras

D’un vaillant coeur, ô ma bonne Lorraine.
Quand nos Iris au teint pauvre et blêmi,

Pour garder mieux leur beauté d’étagère,

Traînent leurs pas d’un bel air endormi,

Toi, tu fais tout, lingère et boulangère,

D’une main forte à la fois et légère.

Tu sais aussi confire les cédrats

Et rendre nets les planchers et les draps

Comme faisaient ta mère et ta marraine;

Mais je te vois bâiller aux opéras

D’un vaillant coeur, ô ma bonne Lorraine.
Pour la douleur dont j’ai souvent gémi,

Elle s’enfuit, vision mensongère!

Grâce à toi seule et sous ton souffle ami,

Elle s’en va d’une aile passagère,

Et je l’oublie ainsi qu’une étrangère.

Vrai médecin, ignorant le fatras,

(Car tu guéris mon mal, sans embarras,

En le domptant par ta vigueur sereine,)

Pour le charmer, tu me prends dans tes bras

D’un vaillant coeur, ô ma bonne Lorraine.
Envoi.
Chère âme en feu, qui me transfiguras,

Que le bonheur, sans nous trouver ingrats,

Devant nos pas comme un collier s’égrène.

Je t’aimerai, comme tu m’aimeras,

D’un vaillant coeur, ô ma bonne Lorraine.
Juillet 1869.

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Ballade à sa femme, Lorraine
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