Dulmas, écoute enfin la raison qui t’éclaire,

Cesse enfin de nourrir un espoir téméraire;

Ainsi que toi, mon fils, j’eus la démangeaison

D’offenser le public, la rime et la raison;

Comme toi, bel esprit, au sortir du collège,

Ma sotte vanité saisit le privilège

Qu’usurpent trop souvent les auteurs de nos jours,

De parler sans rien dire et de parler toujours.

Amoureux de la gloire, et surtout de moi-même,

Traînant à mes côtés l’ennui d’un beau poème,

Je quêtais à la ronde un sourire flatteur ;

Copiste ingénieux, adroit compilateur,

J’enfilais de grands mots bien durs et bien sonores ;

Je parlais de soleils, d’étoiles et d’aurores ;

J’imitai ***, et mon style éclatant

Fit bâiller tout le monde…, excepté moi pourtant.

Je dédaignai bientôt la robe paternelle ;

Brûlant de conquérir une palme immortelle,

Je m’élance au théâtre où l’orgueil me promet

Une place éminente à côté de Soumet.

Je pense voir déjà mon talent poétique

S’élever radieux au trône académique ;

Je triomphe en espoir, je rêve… Mais bientôt

Vingt sifflets goguenards m’éveillent en sursaut :

L’infortune souvent est bonne à quelque chose ;

Abjurant et la gloire et les vers et la prose,

Depuis ce triste instant, j’ai su borner mes vœux

À vivre loin du Pinde, ignoré, mais heureux.
Que mon exemple au moins t’apprenne à fuir l’orage,

Ou, sur les mêmes flots, crains le même naufrage.

Combien d’autres malheurs je pourrais te citer !

Les bâtards de Schlegel ont beau ressusciter ;

Les Marivaux du jour, que l’intérêt assemble,

En vain marchent de pair et cabalent ensemble.

Ils trompent quelquefois nos regards indulgents,

Mais l’erreur passe vite et les goûts sont changeants.

L *** aujourd’hui se fait à peine lire ;

Il a beau nous vanter son génie et sa lyre,

Il a beau conspuer la Bible dans ses vers :

Le public, juste enfin, les abandonne aux vers.

Inhumés par les soins d’une saine critique,

Ses livres vont dormir au fond d’une boutique.

Hélas ! bien des auteurs, comme lui boursouflés,

Ne vivent un moment que pour être sifflés ;

On court après la gloire, et la gloire infidèle,

Quand on croit l’attraper, s’envole à tire d’aile ;

On veut monter bien haut, mais on roule bien bas ;

La montagne est glissante, et le bruit des faux pas,

Réveillant chaque jour les échos du Parnasse,

Avertit les Cotins du sort qui les menace :

Ils tombent l’un sur l’autre, et les sifflets railleurs

Vous répètent sans cesse : « Avis aux rimailleurs. »

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