Chanson pastorale

La jeune Lisette,

Sur le bord d’un ruisseau,

Jouoit de sa musette

En gardant son troupeau.

Le Berger Tyrcis, qui l’ayme

Plus que soy-mesme,

Luy faisoit, tout trancy,

Les pleintes que voicy
Jeune Pastourelle,

Ton oeil est plein d’appas,

Mais ton humeur cruelle

Ne luy ressemble pas.

Est-ce que ton coeur ignore

Que je t’adore,

Ou qu’il le sçache bien

Et n’en decouvre rien ?
Tes aymables charmes

Et mes bruslans desirs

Me coustent bien des larmes,

Des chagrins, des soûpirs ;

Tu t’en ris, belle inhumaine,

Sans estre en peine

Si je pourray souffrir

Ta rigueur sans mourir.
Lors que, dans la lande

Où nous estions tous deux,

Je mis une guirlande

Dessus tes blonds cheveux,

Je te vis toute en cholere,

Toute severe,

Et de ta blanche main

Tu la rompis soudain.
Et qu’il te souvienne

Que, gravant d’un cousteau

Ta devise et la mienne

Sur le tronc d’un ormeau,

Tu le pris pour une offence

Par une absence

Qui dura plus d’un mois,

Tu me mis aux abois.
Un jour, dans la dance,

Un Berger inconnu

Eut assez d’asseurance

Pour baiser ton sein nu :

Tu ne fis point la farouche

Et quand je touche

Seulement ton habit,

Tu rougis de despit.
Des bleds dans la pleine,

Des vins sur les costeaux,

Mille bestes à laine,

Des chevres, des taureaux,

Ma jeunesse et mon courage,

Mon parentage,

Mon amour et ma foy

Ne peuvent rien sur toy.
Outre la musette

Dont je t’ay fait un don,

Je grave une houlette

Des chiffres de ton nom

Dans peu de jours je l’acheve ;

Et je t’esleve

Les petits d’un faisant

Pour te faire un present.
Dans nostre village,

Un soldat effronté

Voulut faire un outrage

A ta jeune beauté ;

Si quelqu’un de l’assistance

Prit ta deffence

Plus hardiment que moy,

Je m’en rapporte à toy.
Dans nostre prairie,

Un loup battit nos chiens,

Attaquant de furie

Tes troupeaux et les miens ;

Tu vis avec quelle addresse,

Quelle vitesse,

La houlette à la main,

J’attaquay l’inhumain.
Quand, de nos montagnes

Un grand ours descendu,

Rendit de ces campagnes

Tout le peuple esperdu,

Nos Bergers, qui s’estonnerent,

T’abandonnerent ;

Tu vis, sans me vanter,

S’il pût m’espouvanter.
Je t’offris sa patte,

Car j’en fus le vainqueur ;

Ce fut là, belle ingratte,

Où je connus ton coeur

Ce jour là, comme enragée

D’estre obligée,

Daignas-tu seulement

Me parler un moment ?
Si ma mort te donne

Tant soit peu de plaisir,

Trop aymable personne,

Contente ton desir :

Pour peu que ma mort te touche

Et qu’à ta bouche

Il en couste un soûpir,

Trop heureux de mourir.
Il finit sa plainte ;

La Bergere s’en rit :

Il en eut l’ame atteinte

De rage et de despit

Et, sans pleurer davantage

D’un tel outrage,

La voyant rire ainsi

Se mit à rire aussi.

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Chanson pastorale
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