À travers la mer tropicale,

Sous un soleil à rendre fou,

Avec des lingots plein sa cale,

Le navire vient du Pérou.
Le blason d’Espagne et d’Autriche

Palpite sur son pavillon.

Vent arrière, pompeux et riche,

Il revient, le lourd galion.
La rançon de vingt rois voyage

Dans son flanc de l’onde émergeant,

Et l’écume de son sillage

Est comme une sueur d’argent.
Sa marche est imposante et fière ;

Gonflé d’or, il est tout doré,

Des fanaux du château d’arrière

Jusqu’au Neptune du beaupré ;
Et la caronade qui bâille

Au sabord sculpté d’ornements

Semble être chargée à mitraille

De saphirs et de diamants.
Mais, à bord du vaisseau féerique

Naviguant sous des cieux sereins,

L’immonde virus d’Amérique

Infecte le sang des marins.
La hideuse floraison pousse,

Sans que rien y puisse obvier,

Sur le frais visage du mousse

Et sur le front brun du gabier.
Tous ont les honteuses macules

Du poison qui fait son travail ;

Les mains sont noires de pustules

Du pilote à son gouvernail ;
Et, défiguré par un chancre,

Songeant qu’il faudra bien, un jour,

Rentrer au port et jeter l’ancre,

L’amiral a peur du retour.
Horreur ! grâce au vent qui l’entraîne,

Le sinistre vaisseau-trésor

Ramène une double gangrène,

La lèpre et le besoin de l’or ;
Et pour qu’elle s’y développe

De nation en nation,

Ces maudits portent à l’Europe

L’incurable contagion.
Pavillon flottant, tête basse,

Ils vont, mornes, dans la splendeur…

― Vois ce riche insolent qui passe,

Il a la peste dans le cœur !

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