Le Boucher

Ardagôn le boucher, à la rouge encolure,

Un grand couteau luisant passé dans sa ceinture,

Pousse hors de l’étable et conduit au hangar

Le bœuf sur qui la vache attache un long regard.

Les enfants du village, et Psyllé la première,

Déjà chassés vingt fois par la rude fermière,

Reviennent plus nombreux et plus hardis encor

Que les mouches qu’attire un pot plein de miel d’or.

Une corde passée à l’anneau de la dalle

Incline par degrés la tête bestiale,

Et la brute immobile offre son large front

Comme une enclume où va frapper le forgeron.

Tout est prêt. Dans la cour descend un grand silence…

Le lourd marteau levé lentement se balance,

Plane, hésite, et soudain, d’un coup terrible et sourd,

Tombe… le crâne sonne… Un léger frisson court.

Le bœuf assommé croule : et dans sa gorge inerte

Le grand couteau plongé fait par l’entaille ouverte

Jaillir à flots pressés un sang noir et fumant.

Le sol autour s’empourpre. Ardagôn, par moment,

Enfonçant jusqu’au coude un bras qui sort tout rouge

Ranime un peu de vie aux flancs du bœuf qui bouge ;

Et les enfants penchés sentent, en frémissant,

Leur petit cœur cruel réjoui par le sang.

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Le Boucher
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