Lu au banquet offert au poète anglais

à Montréal, le 20 février 1885.
Plus rapide que n’est l’aile de la mouette

Au-dessus des gouffres amers,

Emportés par le vol de ta gloire, ô poète!

Tes chants ont traversé les mers.

Ils sont venus déjà, sur nos plages lointaines

Où la neige tombe à flocon,

Nous apporter, avec les doux parfums d’Athènes,

Comme un écho de l’Hélicon.

Ils sont venus souvent, troupe mélodieuse

D’oiseaux dorés du paradis,

Secouer sur nos fronts leur gamme radieuse;

Et nos mains les ont applaudis.

Car, dans ces fiers accents, chacun croyait entendre

La flûte du divin Bion,

Ou la lyre d’Olen mêler sa note tendre

À la fanfare d’Albion.

Aujourd’hui ce n’est plus ta muse charmeresse

Qui franchit l’océan houleux,

Pour verser un rayon du soleil de la Grèce

Sur nos rivages nébuleux.

C’est toi-même, poète à la vaste envergure,

Qui t’arrêtes sur ton chemin,

Pour nous faire admirer ta sereine figure

Et nous tendre ta noble main.
Ô toi qui, si longtemps, des sources d’Hippocrène

T’abreuvas au flot transparent,

Comme Chateaubriand et Moore, qui t’entraîne

Aux bords glacés du Saint-Laurent?
Qui dirige tes pas vers nos montagnes blanches,

Vers nos grands fleuves enrayés,

Vers nos bois sans oiseaux, et dont les avalanches

Tordent les rameaux dépouillés?
À nos traditions bretonnes et normandes

Viens-tu demander leurs secrets?

Ou réveiller l’essaim de farouches légendes

Qui dort au fond de nos forêts?
Croyais-tu, quand, vers nous, sur la vague féline,

Le vent du large t’apporta,

Voir surgir, à côté d’une autre Évangéline,

Quelque nouvel Hiawatha?
Oui, sans doute; et devant notre nature immense

Ton génie a déjà trouvé

Le récit merveilleux, la sublime romance,

Le poème longtemps rêvé.

Qu’au vent de nos hivers ta muse ouvre son aile!

Qu’elle entonne ses chants hautains!

Et répète aux échos, de sa voix solennelle,

Un hymne à nos futurs destins!
Qu’elle chante nos lacs, notre climat sauvage,

Nos torrents, nos monts sourcilleux,

Nos martyrs, nos grands noms, et l’héroïque page

Écrite ici par nos aïeux!
Oui, prête-nous ta muse, ô chantre d’Empédocle!

Et, chez nous – fils de l’avenir -

Les âges passeront sans ébranler du socle

Le bronze de ton souvenir.

Évaluations et critiques :

A Mathew Arnold
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